Page:Histoire de l'Entente cordiale franco-anglais - Lanessan - 1916.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
203
LE CONFLIT PROVOQUÉ PAR LA QUESTION DE L’ÉGYPTE

dans une mer étroite comme la Manche, la chasse aux bâtiments de commerce anglais serait peu fructueuse, parce que l’Angleterre disposait de croiseurs beaucoup plus nombreux, plus puissants et plus rapides que les nôtres. Ceux-ci, en conséquence, seraient rapidement détruits ou obligés de se mettre à l’abri dans leurs ports. Ce qui s’est passé pour les corsaires allemands, dans la guerre actuelle, prouve la justesse du raisonnement que tenaient en 1898 nos meilleurs officiers.

Dans un rapport adressé en 1899 au président de la République sur la situation de note flotte, je rappelais que son extrême faiblesse résultait en grande partie de ce que l’on avait renoncé, depuis longtemps, à l’organiser en vue d’un conflit possible avec la Grande-Bretagne. On ne s’était préoccupé que du développement donné par l’Italie à sa marine et comme l’Allemagne n’était pas encore entrée dans la voie de son expansion maritime et coloniale, on avait construit notre flotte à peu près exclusivement en vue de l’Italie. Or, dès les premiers jours du conflit diplomatique de Fachoda, l’escadre anglaise de la Méditerranée avait pris position entre Malte et Gibraltar, menaçant d’un débarquement pour lequel les troupes étaient prêtes à Malte. En même temps, l’amirauté anglaise envoyait son escadre de la Manche prendre position devant le détroit de Gibraltar dans le but d’empêcher, soit notre escadre du Nord d’aller au secours de celle de Toulon, soit cette dernière de se porter vers le Nord, comme le proposaient les partisans de la guerre de course. Si, à ce moment, la guerre avait éclaté, l’avis de la plupart de nos officiers est que notre escadre de la Méditerranée n’aurait eu qu’à choisir entre se laisser bombarder dans Toulon ou se faire écraser, en sortant de ce port, par des forces très supérieures. « Alors, disais-je dans le rapport auquel j’ai fait allusion plus haut, apparut à tous les yeux la