CHAPITRE II
I. Peu de jours après, le bruit se répandit que nous allions être interrogés. Mon père survint aussitôt de la ville, dévoré par le chagrin ; il monta vers moi pour me faire tomber en me disant : « Aie pitié, ma tille, de mes cheveux blancs ; aie pitié de ton père, si je suis digne encore que tu m’appelles ton père. Si moi-même, de ces mains, je t’ai élevée jusqu’à la fleur de ton âge ; si je t’ai préférée à tous tes frères, ne me rends pas l’opprobre des hommes ! Regarde tes frères ; regarde ta mère et ta tante ; regarde ton fils qui ne pourra vivre après toi ! Quitte cette fierté de peur de nous perdre tous ; car personne de nous n’osera parler, si tu souffres quelque supplice. » Ainsi parlait mon père dans sa tendresse pour moi, me baisant les mains, se jetant à mes pieds, et m’appelant avec larmes, non plus sa fille, mais sa dame. Et moi, je pleurais sur les cheveux blancs de mon père, parce que seul de toute ma famille il ne se réjouirait pas de ma passion. Et je le réconfortai, en lui disant : « Sur l’échafaud, il arrivera ce que Dieu voudra. Car sachez bien que nous ne sommes pas en notre puissance, mais en celle de Dieu. » Et il s’éloigna de moi tout attristé.