Page:Histoire de Sainte Perpétue et de ses compagnons Librairie de J. Lefort 1885.djvu/470

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jusqu’au ciel, mais si étroite qu’il n’y pouvait monter qu’une seule personne à la fois. Aux deux côtés de l’échelle étaient attachés toutes sortes d’instruments de fer ; il y avait des épées, des lances, des crocs, des faux, des poignards : en sorte que celui qui serait monté négligemment, et sans regarder en haut, aurait été déchiré par ces instruments de fer, et y aurait laissé une partie de ses chairs. Au-dessous de l’échelle était couché un dragon d’une grandeur énorme, qui s’attaquait à ceux qui voulaient monter, et les épouvantait pour les en détourner. Le premier qui monta fut Satur, qui n’était point avec nous quand nous fûmes arrêtés, et qui se livra depuis lors volontairement à cause de nous. Lorsqu’il fut arrivé au sommet de l’échelle, il se tourna vers moi et me dit : « Perpétue, je suis ton soutien ; mais prends garde que ce dragon ne te morde. » Je lui répondis : « Au nom du Seigneur Jésus-Christ, il ne me fera pas de mal. » Le dragon leva doucement la tête de dessous l’échelle, comme s’il eût peur de moi, et je marchais sur sa tête comme sur le premier échelon. Je montai et je vis un jardin d’un espace immense, et au milieu, un homme à cheveux blancs, habillé comme un pasteur, et de très grande taille ; il était occupé à traire le lait de ses brebis, et environné de plusieurs milliers de personnes vêtues de robes blanches. Il leva la tête, me regarda et me dit : « Vous êtes la bienvenue, ma fille. » Puis il m’appela et me donna comme une bouchée du caillé de ce lait qu’il venait de traire. Je le reçus, les mains jointes, et je le mangeai ; et tous ceux qui nous entouraient, dirent : Amen. Je me réveillai au bruit de cette parole, mangeant encore je ne sais quoi de doux. » Aussitôt je racontai cette vision à mon frère ; et nous comprîmes que je devais souffrir, et nous commençâmes à ne plus rien espérer en ce monde. »