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Histoire d’une âme. — Chapitre premier.

toujours son enfant, alors même qu’il ne sait que bégayer. Je suis donc sûre d’être comprise et devinée.

Si une petite fleur pouvait parler, il me semble qu’elle dirait simplement ce que le bon Dieu a fait pour elle, sans essayer de cacher ses dons. Sous prétexte d’humilité, elle ne dirait pas qu’elle est disgracieuse et sans parfum, que le soleil a terni son éclat, que les orages ont brisé sa tige, alors qu’elle reconnaîtrait en elle-même tout le contraire.

La fleur qui va raconter son histoire se réjouit d’avoir à publier les prévenances tout à fait gratuites de Jésus. Elle reconnaît que rien n’était capable en elle d’attirer ses divins regards ; que sa miséricorde seule l’a comblée de biens. C’est lui qui l’a fait naître en une terre sainte et comme tout imprégnée d’un parfum virginal ; c’est lui qui l’a fait précéder de huit lis éclatants de blancheur. Dans son amour, il a voulu la préserver du souffle empoisonné du monde : à peine sa corolle commençait-elle à s’entr’ouvrir, que ce bon Maître la transplanta sur la montagne du Carmel, dans le jardin choisi de la Vierge Marie.

Je viens, ma Mère, de résumer en peu de mots ce que le bon Dieu a fait pour moi ; maintenant je vais entrer dans le détail de ma vie d’enfant : je sais que, là où tout autre ne verrait qu’un récit ennuyeux, votre cœur maternel trouvera des charmes.


Dans l'histoire de mon âme jusqu’à mon entrée au Carmel, je distingue trois périodes bien marquées : la première, malgré sa courte durée, n’est pas la moins féconde en souvenirs ; elle s’étend depuis l’éveil de ma raison jusqu’au départ de ma mère chérie pour la patrie des cieux ; autrement dit : jusqu’à mon âge de quatre ans et huit mois.

Le bon Dieu m’a fait la grâce d’ouvrir mon intelligence de très bonne heure, et de graver si profondément dans ma