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celles qui reparaissent le plus fréquemment est denique, qui a toujours le sens de « ensuite ». D’une manière générale, il prend avec la grammaire classique les libertés les plus grandes, substituant le gérondif ou l’infinitif au participe présent[1], le datif à ad avec l’accusatif[2] et se tenant toujours le plus près possible de la langue vulgaire qu’il parlait et dont son latin est un décalque plus qu’une traduction.

Conformément au même principe, son vocabulaire est éloigné du latin classique. Ses néologismes sont innombrables, et il emploie toujours, ce qui est précieux pour nous, les mots techniques usités à son époque : burgus (faubourg), papilio (pavillon), saumarius (sommier), casale (pièce de terre), etc. L’orthographe des noms propres est généralement défectueuse. Les noms turcs sont déformés d’une manière bizarre : Firouz devient Pirus, Kerbôga se change en Curbaram, mais c’est là un fait général dans les chroniques de cette époque. Nous voyons de même apparaître dans notre texte les formes, si savoureuses parfois, données par les croisés à la toponymie syrienne : Camela (la Chamelle) pour Émèse, Sagitta (Sagette) pour Sidon, Lichia (la Liche) pour Laodicée.

III. — Les manuscrits. Établissement du texte.

Alors que l’ouvrage d’un remanieur comme Robert le Moine nous est parvenu dans une centaine de manuscrits, c’est à peine si nous possédons six copies des Gesta Francorum, auxquelles il faut ajouter les manuscrits, aujourd’hui

  1. « Miserunt se in flumen sequendo » (au lieu de sequentes) ; « videns peregrinos emere » (au lieu de ementes).
  2. « Imperatori ducere » (au lieu de ad imperatorem). Relevons encore l’emploi du possessif au lieu de ejus, de ipse pour ille, de la préposition de pour ex : « de burgo », « de turri ».