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sode tragique de l’épreuve du feu subie par Pierre Barthélemy, ainsi que les négociations des croisés avec l’empereur et le calife d’Égypte. En revanche, un nombre assez considérable de renseignements ne nous sont connus que par l’Anonyme, par exemple la situation horrible des croisés populaires assiégés par les Turcs au château de Xérigordo (1096, chap. II), le récit de la marche des Normands d’Italie à travers la Bulgarie et la Macédoine (chap. IV-V), le traité secret entre Bohémond et Alexis, dont il donne les clauses précises, ainsi que la formule du serment prêté par l’empereur aux chefs croisés (chap. VI), et aussi un grand nombre d’épisodes du siège de Nicée, surtout des deux sièges d’Antioche, qui n’occupent pas moins de dix-sept chapitres (chap. XII-XXIX).

Les renseignements chronologiques sont extrêmement nombreux et donnés presque toujours avec une précision minutieuse, année, quantième du mois et jour de la semaine, désigné tantôt à l’aide du calendrier latin, tantôt par le numéro de la « férie » ou jour de la semaine. La plupart de ces dates concordent avec celles des lettres des croisés ou des autres sources originales.

Mais ce texte a, en outre, une valeur historique qui dépasse le seul récit des épisodes de la croisade. Par l’abondance et le caractère précis et pittoresque de ses détails, par la naïveté et la spontanéité de ses réflexions, l’Anonyme nous renseigne admirablement sur l’état matériel et moral des bandes de croisés. La question de leur ravitaillement, si difficile, étant donnés leur nombre et leur manque d’organisation, tient dans son récit une place de premier ordre[1]. Il les montre passant par des alternatives d’abondance extrême et de cruelle disette. À plusieurs reprises, il donne

  1. Voir l’index au mot : ravitaillement.