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représenté comme le héros de la croisade ne pouvait qu’exciter la curiosité. Plusieurs interpolations, qui datent visiblement de cette période, par exemple l’entrevue d’Étienne de Blois fugitif avec l’empereur, et qui paraissent destinées à montrer la couardise des Grecs, font même penser que la diffusion des Gesta a pu faire partie de la campagne habile entreprise par Bohémond en France.

6. Valeur du témoignage. — Par ses qualités de précision et de sincérité, le récit de l’Anonyme est une des sources fondamentales de l’histoire de la croisade. Le chevalier, qui en est l’auteur principal, l’a écrit ou dicté presque au courant des événements dont il a été le témoin. En négligeant les morceaux oratoires dus à son collaborateur, on peut dire que sa narration nous donne un tableau exact de tous les événements de la croisade, depuis le moment où il s’est embarqué avec Bohémond jusqu’à la prise de Jérusalem et à la victoire d’Ascalon (de novembre 1096 au mois d’août 1099). Ce sont là les faits essentiels de la croisade ; les lacunes portent sur les origines du mouvement, sur la marche des bandes de croisés autres que celle des Normands d’Italie, sur l’établissement de Baudouin à Édesse. Pour tout le reste, l’Anonyme est très bien informé et, comme on le verra par les notes critiques jointes à cette édition, la sûreté de son témoignage ressort de sa concordance presque continuelle avec les autres sources originales et indépendantes de lui, Raimond d’Aguilers, Foucher, Albert d’Aix et aussi les quelques lettres authentiques des croisés comme celles d’Étienne de Blois, d’Anselme de Ribemont, etc…

C’est à peine si çà et là, par exemple dans le récit de l’ambassade des croisés à Kerbôga (chap. XXVIII) et surtout dans celui de la marche en Palestine, on peut noter quelques erreurs et certains oublis. C’est ainsi que l’Anonyme omet, au moment du siège d’Archas (mai 1099, chap. XXXV), l’épi-