Page:Histoire anonyme de la première croisade, trad. Bréhier, 1924.djvu/237

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous y souffrîmes d’une grande soif et, ainsi épuisés, nous atteignîmes un fleuve qu’on nomme le Brahim[1], puis, pendant la nuit et le jour de l’Ascension du Seigneur[2], nous franchîmes une montagne par un chemin très resserré[3]. Nous pensions y trouver des ennemis en embuscade, mais, par la permission de Dieu, nul d’entre eux n’osait approcher de nous. Nos chevaliers nous précédèrent et ouvrirent la route devant nous. Puis nous atteignîmes une cité maritime appelée Beyrouth[4] ; de là nous arrivâmes à une autre ville du nom de Sagette[5], puis à une autre appelée Sour[6] et de Sour à la cité d’Acre[7]. D’Acre, nous parvînmes à une place forte appelée Caïffa, puis nous prîmes nos quartiers près de Césarée, où nous célébrâmes la Pentecôte le 29 mai[8].

Ensuite, nous vînmes à la ville de Ramleh[9], que les Sarrasins évacuèrent par crainte des Francs. Tout près se trouvait une église vénérable dans laquelle repose le corps très précieux de saint Georges[10], car c’est là que les païens perfides lui ont fait subir un heureux martyre pour le nom du Christ ; nos chefs décidèrent en conseil d’élire un évêque pour garder et régir cette église ; ils lui accordèrent des dîmes et l’enrichirent en or, en argent, en chevaux et autres animaux, afin qu’il pût vivre là dévotement et honorablement avec ses hommes ; il y demeura avec joie[11].

  1. Le Nahr Ibrahim, ancien fleuve d’Adonis, au sud de Byblos.
  2. Le 19 mai 1099.
  3. Il s’agit de la route très difficile, située à flanc de rocher, qui va de Djebaïl à Beyrouth.
  4. La grande ville de Beyrouth.
  5. L’ancienne Sidon, aujourd’hui Saïda, Sagette dans la toponymie médiévale.
  6. L’ancienne Tyr, où, le 23 mai, l’armée fut rejointe par des chevaliers venus d’Antioche et d’Édesse (lettre de Daimbert, dans les Epislulae et chartae, p. 170).
  7. Saint-Jean d’Acre.
  8. Le passage à Césarée eut lieu le 29 mai 1099. Depuis Tripoli les croisés n’ont cessé de suivre la côte.
  9. Ramleh, au sud-est de Jaffa, sur la route de cette ville à Jérusalem.
  10. D’après la tradition, saint Georges, originaire de Lydda, fut martyrisé à Nicomédie sous Dioclétien. Cependant, une église, celle dont il est question ici, avait été élevée non loin de Ramleh par Justinien (Guillaume de Tyr, VII, 22, dans les Historiens occidentaux, t. I, p. 313).
  11. Ce fut un Normand, Robert, originaire du diocèse de Rouen, qui fut élu évêque (Guillaume de Tyr, VII, 22, dans les Historiens occidentaux, t. I, p. 313). Le séjour à Ramleh dura du 3 au 6 juin.