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Christ et prit conseil de ses prud’hommes, afin de faire ordonner dans cette ville en grande dévotion un évêque qui la ramenât à la foi et au culte du Christ et, de la demeure diabolique, fît un temple consacré au Dieu vivant et véritable, ainsi que des oratoires en l’honneur des saints[1]. Ils élurent aussitôt un homme sage et honorable[2] et le conduisirent à Antioche pour le faire sacrer. Il fut fait ainsi[3]. Les autres, restés à Antioche, y vécurent dans la joie et l’allégresse[4].

Lorsque approcha le terme fixé, c’est-à-dire la fête de la Toussaint, nos chefs revinrent tous à Antioche et commencèrent à s’inquiéter des moyens d’accomplir le voyage du Saint-Sépulcre. « Puisque, disaient-ils, approche le terme fixé pour le départ, ce n’est plus le moment de contester davantage. »

Bohémond, de son côté, cherchait tous les jours à faire reconnaître la convention que tous les seigneurs avaient conclue avec lui pour obtenir la reddition de la ville[5], mais le comte de Saint-Gilles ne se laissait attendrir par aucune convention avec Bohémond, parce qu’il craignait de se parjurer vis-à-vis de l’empereur[6]. De nombreuses assemblées furent tenues dans l’église Saint-Pierre pour rechercher ce qui était juste. Bohémond récita le texte de la convention et montra son compte[7]. De même, le comte de Saint-Gilles communiqua les termes du serment qu’il avait prêté à l’empereur, suivant le conseil de Bohémond[8]. Les évêques, le

  1. Ce qui signifie que la grande mosquée sera changée en église.
  2. Pierre de Narbonne (Raimond d’Aguilers, 14, p. 266).
  3. C’est la première tentative faite pour établir une hiérarchie latine en Syrie. Cependant, les croisés paraissent avoir maintenu sur le siège d’Antioche jusqu’en 1100 le patriarche grec Jean IV, dont relevait, par conséquent, le nouvel évêché latin.
  4. Répétition littérale de la formule employée au chap. XXX, p. 166-167, ligne 2.
  5. Sur cette convention conclue avant la prise d’Antioche, voir chap. XX, p. 102.
  6. Sur le conseil des princes, voir Raimond d’Aguilers, 14, p. 267-268. Le comte de Toulouse était justement celui qui avait le moins d’engagements vis-à-vis de l’empereur (voir p. 32-33), mais il était devenu « impérialiste » pour empêcher Bohémond de garder Antioche.
  7. Sans doute le compte des dépenses qu’il avait faites pour se faire livrer Antioche.
  8. Voir chap. VI, p. 32-33.