Page:Histoire anonyme de la première croisade, trad. Bréhier, 1924.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce château, l’entourèrent de tous côtés et s’en emparèrent aussitôt avec l’aide du Christ. Ils saisirent tous les paysans de l’endroit et mirent à mort tous ceux qui ne voulaient pas recevoir le christianisme ; quant à ceux qui préférèrent reconnaître le Christ, ils les laissèrent vivants.

Ceci accompli, nos Francs revinrent tout joyeux à la première forteresse[1]. Ils en sortirent le troisième jour[2] et vinrent à Marra[3], qui se trouvait non loin d’eux. Il y avait là rassemblés un grand nombre de Turcs et de Sarrasins venus d’Alep et de toutes les villes, de tous les châteaux qui sont dans ses environs. Les barbares sortirent pour les attaquer ; les nôtres, résolus à lutter contre eux dans un combat, les mirent en fuite. Ils revinrent cependant, et pendant tout le jour ils attaquaient les nôtres tour à tour. Cette attaque dura jusqu’au soir. La chaleur était accablante ; les nôtres ne pouvaient plus supporter la soif, car ils n’avaient trouvé aucune eau à boire. Alors ils voulurent revenir en toute sécurité à leur château[4] ; mais, pour leurs péchés, les Syriens et les petites gens[5], saisis d’épouvante, commencèrent à rétrograder. En les voyant battre en retraite, les Turcs se mirent à les poursuivre, et la victoire leur donnait des forces. Beaucoup des nôtres rendirent leur âme à Dieu pour l’amour duquel ils s’étaient rassemblés là. Ce massacre eut lieu le cinquième jour du mois de juillet[6]. Les Francs qui y avaient échappé revinrent à leur forteresse et Raimond[7] y séjourna avec sa troupe quelque temps.

  1. C’est-à-dire à Tell-Mannas.
  2. Le troisième jour après la prise du château turc, vers le 27 juillet.
  3. Maarat-en-Nouman, au sud-est d’Antioche, sur la route de Hamah à Alep, aux confins du désert de Syrie.
  4. À Tell-Mannas.
  5. C’est-à-dire les piétons, qui changèrent la retraite en déroute.
  6. Comme l’a montré Hagenmeyer (Chronologie de la première croisade, no 307), on ne peut admettre cette date du 5 juillet, Raimond Filet n’ayant pu quitter Antioche que le 29 ou 30 juin au plus tôt, ayant passé huit jours à Tell-Mannas et n’ayant marché sur Marra que trois jours après la prise du château turc. La date du 27 juillet donnée par l’Historia belli sacri, p. 207, et par le manuscrit G de Baudri de Bourgueil (III, 21, p. 81-82) paraît plus vraisemblable.
  7. Raimond Pilet.