récit (chap. XIX-XX). L’attaque d’Antioche par Kerbôga constitue le neuvième récit (chap. XXI-XXIX), et tous les événements qui ont suivi la délivrance d’Antioche jusqu’à la victoire d’Ascalon (chap. XXX-XXXIX), du 29 juin 1098 au 12 août 1099, sont bloqués dans le dixième récit.
Rien ne montre mieux que ces divisions inégales le caractère spontané et irrégulier de la rédaction. Chacun de ces récits a dû être rédigé séparément, et la doxologie qui termine quelques-uns d’entre eux porte la marque du clerc qui a collaboré à l’ouvrage. Dans la préface de son édition de la Chanson d’Antioche, Paulin Paris voyait dans les « thèmes » de Tudebode des sortes de lettres ou de communiqués envoyés par les croisés en Occident à des intervalles divers. Si jolie que soit cette hypothèse, il faut y renoncer : les thèmes de Tudebode, pas plus que les récits de l’Anonyme, n’ont la forme épistolaire. Ce sont seulement des morceaux rédigés au jour le jour et en pleine action : c’est ce qui fait leur valeur.
4. L’originalité de l’œuvre. — Mais il est temps de préciser les rapports qui unissent ces deux textes. Bien que la discussion soit close aujourd’hui, il faut rappeler pour mémoire que notre Anonyme a été souvent regardé comme le plagiaire de Tudebode, prêtre de Civray en Poitou, qui prit part lui aussi à la croisade et rédigea, entre 1102 et 1111, une Histoire du voyage à Jérusalem, dont le texte coïncide presque continuellement avec celui des Gesta Francorum, mais contient aussi des emprunts à la chronique de Raimond d’Aguilers et un certain nombre de renseignements particuliers à l’auteur. Il est clair que Tudebode est le plagiaire. Comme l’ont fait remarquer Sybel[1] et F. de Saulcy[2],