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abondante en Occident qu’à Byzance, relative aux musulmans. Il est bien probable que c’est à ce second collaborateur qu’est due la rédaction définitive de l’ouvrage.

2. Date de la composition. — Cette rédaction existait à Jérusalem au lendemain même de la croisade. Ekkehard, moine de Bamberg, plus tard abbé d’Aura en Bavière, ayant fait le pèlerinage de Terre-Sainte en 1101, lut à Jérusalem un « petit livre » où était racontée exactement la série des événements de la croisade[1]. Ce petit livre n’est autre que le récit de notre Anonyme, et on en a la preuve par les emprunts qu’Ekkehard lui a faits dans sa propre chronique. De très bonne heure, l’ouvrage fut apporté en Occident. Dans la préface de sa chronique, Robert le Moine (moine à Reims, puis à Marmoutier) raconte que ce fut à la requête de Bernard, abbé de Marmoutier (mort en 1107), qu’il transcrivit, en comblant ses lacunes et en la mettant sous une forme plus correcte, « une histoire » qui avait omis de parler du concile de Clermont[2]. Ce dernier détail, ainsi que la dépendance étroite du texte de Robert vis-à-vis de celui des Gesta, prouvent qu’il s’agit bien de l’œuvre de notre Anonyme. À la même époque, vers 1108, Baudri de Bourgueil écrivait sa chronique d’après le texte des Gesta, et dans sa préface il se vantait d’avoir remis en beau langage l’œuvre « rustique » de ce « compilateur anonyme[3] ».

Ainsi la rédaction primitive de cet ouvrage date du lendemain même de la croisade. La bataille d’Ascalon, dont le récit termine la chronique, est du 12 août 1099, et c’est deux

  1. Ekkehard, Hierosolymitana, § 13, dans le Recueil des historiens des croisades ; historiens occidentaux, t. V, p. 21.
  2. Recueil des historiens des croisades ; historiens occidentaux, t. III, p. 721.
  3. Ibid., t. IV, p. 10.