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Le troisième jour après notre entrée dans la ville[1], leurs éclaireurs parurent sous les murs et leur armée campa au pont du Far[2]. Ils prirent d’assaut une tour[3] et massacrèrent tous ceux qu’ils y trouvèrent, et personne d’entre eux n’échappa à la mort, sauf leur chef, que nous trouvâmes chargé de chaînes après la grande bataille[4].

Le lendemain[5], l’armée païenne, s’étant ébranlée, approcha de la ville et vint camper entre les deux fleuves[6], où elle resta deux jours[7]. Puis, ayant reçu livraison de la citadelle[8], Courbaram appela un amiral de sa suite, qu’il savait sincère, doux et pacifique, et lui dit : « Je veux que tu entres dans ma fidélité pour garder cette citadelle, car je connais ta fidélité de longue date et je t’adjure de garder cette citadelle avec soin. » L’amiral lui répondit : « Je préférerais n’obéir jamais à un pareil ordre ; cependant je le ferai, à cette condition que, si les Francs vous repoussent par un combat meurtrier, je leur livrerai immédiatement ce château. » Courbaram lui répondit : « Je connais assez ton honnêteté et ta prudence pour consentir à tout ce que tu jugeras bon de faire. »

Courbaram revint à son armée, et les Turcs, voulant se moquer des Francs, apportèrent en sa présence une épée de peu de prix, toute couverte de rouille, un arc noirci et une lance hors d’usage qu’ils venaient d’enlever à de pauvres

  1. Le 5 juin. Cf. la lettre des princes à Urbain II (Epistulae et chartae, p. 162) : « Qui iiia die nos obsederunt. » Anselme de Ribemont (Ibid., p. 159) et Albert d’Aix (IV, 27, p. 407) donnent, au contraire, le 4 juin.
  2. L’Oronte. Voir plus haut, p. 66, n. 1.
  3. Il s’agit d’une des tours qui défendaient l’entrée du pont du Far.
  4. Après la grande victoire remportée sur Courbaram (ou Kerbôga) le 28 juin. Là encore l’auteur anticipe sur les événements.
  5. Le 6 juin.
  6. Dans la presqu’île formée par l’embouchure du Kara-Sou dans l’Oronte, à sa sortie du lac d’Antioche.
  7. Les 6 et 7 juin.
  8. La citadelle d’Antioche, livrée à Courbaram par Schems-ed-daoula.