chrétiennes de la ville apparaissaient aux créneaux des murailles et regardaient le misérable sort des Turcs en y applaudissant en cachette ; par ordre des chefs turcs, des Arméniens et des Syriens, de gré ou de force, nous lançaient des flèches. Douze émirs turcs perdirent dans ce combat leur corps et leur âme, ainsi que d’autres très prudents et vaillants guerriers qui comptaient parmi les meilleurs défenseurs de la ville, dont le nombre fut de 1 500[1]. Les autres, restés vivants, n’osaient plus pousser des cris ou des huées, soit la nuit, soit le jour, comme ils en avaient l’habitude. La nuit seule parvint à nous séparer, eux et nous. Ce fut la nuit qui arrêta les deux partis en train de combattre à coups de lances, d’épées ou de flèches. Nos ennemis furent ainsi vaincus par la puissance de Dieu et du Saint-Sépulcre et, dans la suite, ils n’eurent plus le même ressort qu’auparavant, soit pour crier, soit pour agir. Et nous, ce jour-là, nous nous refîmes bien en ressources nécessaires et, en particulier, en chevaux[2].
Le lendemain[3], au point du jour, d’autres Turcs sortirent de la ville et rassemblèrent les cadavres fétides de leurs morts qu’ils purent trouver sur la rive du fleuve, puis ils les ensevelirent à la Mahomerie située au delà du pont[4], devant la porte de la ville. Avec les corps ils ensevelirent des manteaux, des besants[5], des pièces d’or, des arcs, des flèches et autres objets que nous ne pouvons nommer. Les nôtres, apprenant que les Turcs avaient ainsi enseveli leurs morts, tous se préparèrent et vinrent en toute hâte au diabolique
- ↑ D’après Étienne de Blois (lettre citée, Epistulae et chartae, p. 151), il périt 30 émirs, 300 nobles turcs, en tout 1 230 Turcs ou Sarrasins (1 400 d’après Anselme de Ribemont, 2e lettre, Ibid., p. 158).
- ↑ Même renseignement dans Raimond d’Aguilers, 8, p. 250.
- ↑ Le 7 mars.
- ↑ À l’endroit même où les croisés voulaient construire un château.
- ↑ Le « besant », ainsi appelé de « Byzance », est la même pièce que le sou d’or ou l’hyperpre. Voir p. 76, n. 1.