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[CINQUIÈME RÉCIT]
[Le début du siège d’Antioche
(20 octobre-décembre 1097)
]

[12.] Comme nous commencions à approcher du pont du Far[1], nos coureurs, qui nous précédaient toujours d’habitude, trouvèrent devant eux un fort parti de Turcs qui se hâtaient d’aller au secours d’Antioche ; ils les chargèrent d’un seul cœur et d’une seule âme et vainquirent les Turcs. Ces barbares consternés prirent la fuite et beaucoup d’entre eux périrent dans ce combat[2]. Vainqueurs, les nôtres firent par la grâce de Dieu un énorme butin de chevaux, de chameaux, de mulets, d’ânes chargés de blé et de vin.

Enfin les nôtres arrivèrent et installèrent leur camp sur la rive du fleuve ; immédiatement, le sage Bohémond vint se poster avec 4 000 chevaliers devant une porte de la cité, afin de veiller à ce qu’on n’y entrât ou n’en sortît secrètement pendant la nuit. Le lendemain on parvint jusqu’à Antioche, au milieu du jour de la quatrième férié, qui est le douzième jour avant les calendes de novembre[3], et nous assiégeâmes admirablement trois portes de la cité. De l’autre côté, nous n’avions pas la place nécessaire à conduire un siège, parce que nous étions resserrés par une montagne haute qui ne laissait qu’un passage étroit[4]. Nos ennemis les Turcs, qui

  1. Plusieurs manuscrits portent « Ferreum », pont de fer. L’explication de cette épithète par Albert d’Aix (III, 23, p. 302), d’après laquelle à l’entrée du pont se dressaient deux tours inattaquables par le fer, est enfantine. Guillaume de Tyr (Historiens occidentaux, t. I. p. 164) explique que l’Oronte était appelé « Far » ou « Fer », d’où le nom de « pons farreus » ou « ferreus ». Il était situé sur la route d’Alep à Antioche.
  2. Sur ce combat, voir la lettre 1 d’Anselme de Ribemont (Epistulae et chartae, p. 145), qui donne la date du 20 octobre.
  3. C’est-à-dire le 21 octobre ; la date et l’heure données par l’Anonyme sont confirmées par Anselme de Ribemont, lettre no 1 (Epistulae et chartae, p. 145).
  4. L’enceinte d’Antioche (près de six kilomètres d’est en ouest, quatre kilomètres du nord au sud) avait été reconstruite par Justinien en 540. Au sud, elle escaladait les pentes du mont Silpius. Voir Ch. Diehl, Justinien, p. 582-583.