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certaines expressions techniques qui se rapprochent de l’italien n’est pas décisif[1], car un Normand d’Italie pouvait parler ainsi. Il vaut mieux avouer notre ignorance.

Nous sommes mieux renseignés par lui-même sur sa condition. Il n’appartient pas au bas peuple qu’il confond sous le terme de « la menue gent, les pauvres ». Ce n’est pas un clerc, car en plusieurs actions, à la bataille contre Kerbôga (chap. XXIX), à la procession autour de Jérusalem (chap. XXXVIII), il oppose toujours les clercs et les évêques, priant pour le succès des croisés, aux groupes de combattants dont il fait partie. En dépit de sa réserve, quand il s’agit de lui-même, il indique indirectement les actions auxquelles il a pris part personnellement. C’est ainsi qu’il est dans la troupe de Bohémond à l’escalade d’Antioche (nuit du 3 juin 1098) et qu’il est un des premiers à pénétrer dans la ville (chap. XX). De même, il a combattu dans les rangs des croisés le 28 juin 1098 à la bataille contre Kerbôga (chap. XXIX) et il paraît avoir fait partie de l’expédition de Raimond Pilet pendant le séjour des croisés à Antioche (chap. XXX).

Ce n’est pas non plus un chef d’armée. Il n’est pas entré à Constantinople ; il ne connaît les délibérations des chefs que par ouï-dire, mais il en est très bien informé, ce qui laisse supposer qu’il occupait dans l’armée une certaine situation. Il paraît avoir été l’un des nombreux chevaliers, possesseurs de petits fiefs, qui prirent la croix. On le voit assister à la découverte de la Sainte-Lance et même faire partie du grand conseil de guerre qui suivit cet événement (chap. XXVIII). Enfin, dans ses récits de batailles, il se range toujours parmi les chevaliers et emploie l’expression : « Nous chevauchâmes » (chap. XXIX).

  1. F. de Saulcy, Tancrède, dans la Bibliothèque de l’École des chartes, t. IV (1842), p. 302-303.