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XIV. Je pense piquer la curiosité du lecteur en rapportant ici, comme y trouvant naturellement sa place, une histoire peu connue sur Dioclétien auguste, et qui fut pour lui le présage de l’empire. Mon aïeul m’a assuré qu’il la tenait de Dioclétien lui-même. Ce prince (me dit-il), encore dans un des plus bas grades militaires, se trouvait dans une hôtellerie de Tongres, ville des Gaules. Un jour qu’il réglait avec une druidesse le compte de sa dépense journalière, cette femme lui dit : « Vous êtes trop avare, Dioclétien ; vous êtes trop économe. — Je serai prodigue quand je serai empereur, » répliqua Dioclétien en riant et en badinant. « Ne plaisantez pas, Dioclétien, reprit alors la druidesse : car vous serez empereur quand vous aurez tué un sanglier[1]. »

XV. Depuis lors Dioclétien nourrissait dans son esprit le désir de régner, ce que n’ignorait point Maximien, non plus que mon aïeul, à qui il avait rapporté le mot de la druidesse ; mais il finit par dissimuler, rire et se taire. Cependant, quand il allait à la chasse, jamais il ne laissait échapper l’occasion de tuer des sangliers. Enfin, après avoir vu Aurélien, Probus, Tacite et Carus lui- même successivement appelés à l’empire, Dioclétien dit : « Je tue toujours les sangliers, mais toujours un autre les mange. » Tout le monde connaît, et il n’est pas permis d’ignorer les paroles que prononça Dioclétien en immolant le préfet Aper : « Je l’ai enfin tué, ce sanglier que m’avait désigné l’oracle ! » Mon aïeul m’a encore rapporté que Dioclétien lui avait dit qu’en tuant Aper de sa main, il n’avait eu d’autre but que d’accomplir la prédiction de la druidesse, et que d’affermir son empire : car il

  1. Allusion à Aper, nom propre et nom commun signifiant sanglier.