Page:Histoire Auguste, trad. Aguen, Taillefert, tome 2, 1846.djvu/437

Cette page n’a pas encore été corrigée

IX. Avec ces idées sur les Égyptiens, Aurélien avait donc défendu à Saturnin d’entrer en Égypte. Cet ordre semblait être une inspiration divine ; car dès que les Égyptiens virent chez eux ce haut dignitaire, ils s’écrièrent aussitôt : « Saturnin auguste, que les dieux vous conservent ! » Mais lui, en homme prudent (car il faut ici lui rendre justice), partit immédiatement d’Alexandrie et retourna en Palestine. Puis, ayant réfléchi qu’il n’y serait pas en sûreté, s’il y vivait en simple particulier, il vêtit une cyclade de sa femme, jeta dessus un manteau de pourpre qui couvrait naguère une statue de Vénus, et s’offrit aux soldats, qui le saluèrent empereur. J’ai souvent entendu raconter à mon aïeul qu’il était, présent lorsqu’on déféra l’empire à Saturnin. Il pleura (disait-il) et prononça ces paroles : « La république perd aujourd’hui un homme qui lui était nécessaire, je puis le dire sans orgueil : car j’ai restauré les Gaules, j’ai reconquis à l’empire l’Afrique que les Maures lui avaient enlevée, j’ai pacifié l’Espagne. Mais à quoi bon ? j’ai tout sacrifié du moment que j’ai usurpé le pouvoir. »

X. Puis il parla ainsi à ceux qui l’avaient élevé à la suprême puissance, et qui l’exhortaient à conserver la vie et l’empire : « Vous ignorez, mes amis, combien le pouvoir traîne après lui de soucis. Les glaives et les traits sont suspendus sur nos têtes, partout des lances, partout des dards qui nous menacent ; nos gardes eux-mêmes sont pour nous des sujets de crainte, ceux même qui nous approchent nous sont suspects, nous ne mangeons qu’avec défiance, nous ne voyageons pas quand il nous plaît, nous ne faisons point la guerre quand nous Ie jugeons nécessaire, nous n’osons point nous exercer au maniement des armes. Ajoutez à cela que, pour un empereur, il n’est point d’âge qui soit à l’abri de la critique : est-il vieux, on le croit incapable ; s’il est, jeune,