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curules furent, quatre années durant, sans titulaires : je le sais ; mais il y avait au moins des tribuns du peuple, investis de ce pouvoir tribunitien, qui était presque le pouvoir royal. Rien ne prouve, d’ailleurs, qu’il n’y ait pas eu d’interrois à cette époque ; et même des historiens très dignes de foi assurent que, primitivement, les consuls étaient nommés par des interrois, et présidaient ensuite les comices, où se nommaient les autres magistrats.

II. Ainsi, pendant six mois que le sénat et le peuple employèrent à chercher un bon empereur, on eut le singulier et compromettant spectacle d’un empire sans chef. Pourtant, quelle union parmi les soldats ! quelle tranquillité à Rome! quel respect pour l’autorité du sénat ! On ne vit pas un seul usurpateur : le sénat, l’armée et le peuple réglèrent d’un commun accord les intérêts du monde; et ce qui les enchaînait à leurs devoirs, ce n’était ni la crainte d’un maître, ni le contrôle des tribuns : c’était la conscience, la plus puissante des garanties. Il faut dire cependant la cause de ces heureux retards : oui, il faut, pour l’instruction de la postérité, graver dans l’histoire le souvenir de cette modération extraordinaire du monde entier : ainsi les prétendants ambitieux apprendront à mériter l’empire, et non à l’usurper. Aurélien avait donc succombé, comme je l’ai dit plus haut, victime de l’infâme trahison d’un vil esclave : on avait abusé les soldats, si faciles à égarer, quand la calomnie profite du moment où la rancune, et plus souvent encore l’ivresse, obscurcit des intelligences naturellement bornées. Mais on fut bientôt revenu de ce funeste égarement ; les coupables furent sévèrement punis, et l’on se mit sérieusement à la recherche d’un successeur. Alors, ne voyant autour de la victime que des noms détestés, l’armée, qui d’ordinaire se hâtait