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demeurer inconnu, je vais donner quelques détails sur la cause de ce crime, et sur la manière dont il fut commis. Aurélien, ceci est incontestable, fut un prince sévère, cruel, sanguinaire. Ayant poussé la barbarie jusqu’à faire périr la fille de sa sœur, qui certainement n’avait pas mérité un châtiment pareil, il était devenu odieux à toute sa maison. Il avait auprès de lui un certain Mnesthée, son affranchi, dit-on, et qui lui servait de secrétaire. La fatalité voulut qu’il s’en fît un ennemi irréconciliable, en le menaçant par suite de je ne sais quel soupçon. Mnesthée, qui savait Aurélien fidèle à ses menaces et implacable dans ses rancunes, fit une liste où il mêla, aux noms de ceux qui avaient à redouter la vengeance de l’empereur, des gens auxquels il n’en voulait pas le moins du monde : puis il ajouta son nom, pour rendre plus vraisemblables les inquiétudes qu’il allait soulever. Enfin il lut sa liste à tous ceux dont les noms s’y trouvaient, les prévenant qu’Aurélien avait résolu leur perte : « c’était à eux, ajoutait-il, s’ils avaient du cœur, de pourvoir à leur sûreté. » Alors, ceux qui avaient encouru la disgrâce de l’empereur, l’âme remplie d’effroi, exaspérés d’ailleurs contre un maître qui, disaient-ils, payait d’ingratitude leur dévouement et leur fidélité, l’attaquèrent dans l’endroit que j’ai dit, et le tuèrent par surprise.

XXXVII. Ainsi finit Aurélien, prince nécessaire, plutôt que bon. Après sa mort, et lorsque l’odieux mystère en fut dévoilé, ses meurtriers mêmes lui élevèrent un tombeau magnifique et un temple. Quant à Mnesthée, attaché à un pieu, il fut livré aux bêtes, comme l’indiquent des statues de marbre, placées à droite et à gauche sur le théâtre de l’événement. On éleva même un portique et des statues en l’honneur d’Auré-