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LES HOMOSEXUELS

et entrelacés poursuivent leur chemin en causant de l’avenir ; on les voit s’asseoir sur les bancs libres, se serrer en silence dans les bras l’un de l’autre ; et à côté de cet amour discret et supérieur passe l’amour bas, vénal.

Il y a deux allées assez éloignées l’une de l’autre, deux pour hommes et une pour femmes. Pendant que dans la ville les deux prostitutions sont mélangées, ici chacune a son « district ». Une des allées réservées aux mâles est fréquentée, le soir surtout, par des cavaliers dont le sabre brille dans l’obscurité, l’autre par de mauvais garnements qui s’appellent eux-mêmes dans le jargon berlinois « Kess und jemeene ». Ici se trouve un de ces vieux bancs en pierre, demi-circulaire, sur lequel s’entassent à partir de minuit, une trentaine de femmes, qui y passent la nuit, criaillent et bavardent. Elles appellent ce banc « l’Exposition des Beaux-Arts ». De temps en temps passe un homme qui allume une allumette en cire et éclaire ce tableau.

Parfois un cri rauque s’élève au milieu de ce brouhaha : c’est un homme attaqué ou dévalisé qui crie au secours ; parfois un bruit sec fend l’air et se mêle aux sons de la musique lointaine, — c’est