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LES HOMOSEXUELS

tous les jours, en faisant même de grands détours, devant sa maison et j’étais heureux quand je l’apercevais. Ainsi, m’analysant avec soin et établissant des termes de comparaison avec ce qui se passait autour de moi, je finis par lire clairement dans mon cœur. Il me souvient, par exemple, de l’impression profonde que j’ai ressentie quand ma mère m’a dit un jour : « Paul, Paul, celui qui se promène toujours seul est sûrement amoureux. » Et, en effet, de mon propre mouvement, je ne prenais jamais mon frère dans mes promenades, afin de pouvoir rester seul avec lui, si je le rencontrais.


Ces « liaisons solides » entre hommes ou femmes homosexuels, souvent de longue durée, sont, à Berlin, d’une fréquence extraordinaire. Il faut avoir observé la tendresse qu’ils se portent les uns aux autres, les soins empressés qu’ils se témoignent, l’anxiété de leur attente, l’énergie avec laquelle l’amoureux prendra à cœur les intérêts, — pour lui souvent très éloignés — de son ami ; le savant ceux de l’ouvrier, l’artiste ceux du sous-officier ; il faut avoir vu les souffrances morales et physiques résultant de la jalousie, pour pouvoir dire qu’ils ne comportent « aucun acte de luxure contre nature ». C’est simplement là un mode de ce grand sentiment qui, de l’avis de beaucoup, est