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LES HOMOSEXUELS

âgé que moi, était dans une classe inférieure à la mienne. Je me souviens de quelle manière surgirent peu à peu les premiers signes de cette inclination nouvelle : je profitai de toute occasion pour me trouver avec cet ami, dans le préau, en classe, dans la rue, au gymnase. J’éprouvais cependant de grandes difficultés pour rendre nos entrevues plus fréquentes, non seulement, comme je l’ai dit, il n’était pas de ma classe et nous n’avions pas des occupations communes, mais, de plus, il n’était pas précisément aimé dans le cercle de mes amis.

Cette amitié fut donc pour eux un sujet de surprise, bien plus que pour moi-même qui ne me rendais pas un compte exact de mon état. Mais à cette époque-là — j’avais alors dix-huit ans, — je commençais à dessiller mes yeux et à comprendre les choses ; je faisais déjà des promenades en règle sous ses fenêtres, épiais ses sorties et ne pensais qu’à lui. Bientôt je compris que ce que j’éprouvais était un véritable, un profond amour, mais je n’eus pas le courage de me déclarer et pendant longtemps il ne s’aperçut de rien. Malgré tout, nos relations devenaient plus étroites, bien que je susse que je lui étais indifférent, je profitais de toutes les occasions pour resserrer encore davantage ces liens et cela m’a réussi, bien que je n’aie pu l’amener à ressentir une réelle amitié pour moi. Mais, le propre du caractère de mon ami K… était qu’il n’avait point d’ami et pendant tout ce temps je n’eus qu’une seule fois l’occasion de ressentir les souffrances de la jalousie ; c’est précisément, du reste, cet accès de jalousie qui m’a fourni la certitude de l’homosexualité de mon amour. À la fin, le sentiment qui me poussait vers K… devint