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LES HOMOSEXUELS

voici que je rencontre de nouveau mon jeune homme, tenant toujours son mouchoir à la joue. Il me dépasse et s’arrête devant une porte. Je n’y fais pas attention et continue mon chemin. Mais celui-ci va vers moi et me demande l’aumône, et là-dessus il me sert une histoire de brigands en me priant de ne pas le dénoncer à la police : il arrivait des environs de Bromberg, n’avait pas un sou vaillant, a engagé ses effets pour 16 marks. Ainsi, en parlant, nous arrivons vers une vespasienne tout près d’une porte. Je lui donne 50 pfennigs et lui fais remarquer qu’il devait gagner par son travail assez d’argent pour dégager ses effets, et que moi-même je n’étais ici que de passage. Je rentre ensuite dans la vespasienne et j’entends que quelqu’un se trouve derrière moi ; mais je n’y prête pas attention. En sortant de là je vois mon homme devant moi, menaçant et cette fois-ci sans son mouchoir. Il m’interpelle : « Si vous ne me donnez pas les 16 marks, je vous dénonce et vous irez en prison, donnez les 16 marks ou je crie, à faire accourir tout Berlin ». Ici, je ferai remarquer que j’ai cinquante-huit ans, suis plusieurs fois grand-père et j’occupe une situation élevée comme fonctionnaire. Si ce n’est donc pas ma renommée, ce fut toujours la continuation de mon voyage qui était en jeu, si je m’étais exposé à une enquête — entre parenthèse, aussi dégoûtante. Je passe donc rapidement au bord de la chaussée de Charlottenbourg et fait signe à un cocher, toujours poursuivi par les vociférations de cette canaille : « Attends, vieux chien, je t’apprendrai à grogner. » En même temps il veut monter avec moi dans la voiture. Quelques curieux commencent déjà à se réunir autour de nous et toujours