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UN VIEUX BOUGRE


tait beau, l’allure d’un routier des âges où l’audace et la force étaient tout l’héroïsme. Rien ne l’étonnait de la ville, et son regard allait aux femmes sans perdre de son assurance ni de sa dureté.

Il se dirigeait avec certitude par les rues, depuis la gare Montparnasse, indifférent au transit des voitures, à la foule, à la rumeur citadine, comme s’il avait toujours vécu dans cette agitation, ce dédale et ce vacarme. Il restait en lui quelque chose du silence des champs propice à la rêverie, et il allait, réellement seul, avec ses idées et les tableaux secrets de sa carrière nomade.

Dans le wagon, il avait bu le rhum fort de la calebasse qui grossissait sa poche. Le gosier sec, il maudissait l’air poussiéreux et les vapeurs de pétrole que lâchent les automobiles. Il acheta des poires à une marchande ambulante, rue du Havre. La fraîcheur des fruits trompa sa soif. L’amusement d’assister au manège d’un couple de voyageurs sentimentaux prima son irritation, d’avoir dû reprendre le train. Il débarqua à Asnières dispos d’esprit,