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UN VIEUX BOUGRE

— Tout d’même… pourquoi qu’t’as ri d’moi ?…

Et il appela de nouveau. Le calme horrible de la chambre lui remémora la veillée des morts au pays. Ses genoux s’entre-choquaient. Il eut la vision de la cellule où on l’enfermerait, des camarades qui lui apporteraient la gamelle, des officiers qui l’interrogeraient, du conseil de guerre, enfin. Et il savait que personne au monde ne le croirait, s’il disait simplement la vérité. Il craignait son acte et il balbutiait, comme un dévot prie :

— C’est pour m’fair peur, qu’tu réponds pas… Oh ! dis qué’qu’chose, Marie, ma p’tite Marie…

L’ombre ajoutait à sa terreur : il passait du chaud à un froid qui l’atteignait aux moelles. Transi de frissons, il répétait, chassant une inquiétude affreuse :

— Voyons… Marie… ma Marie…

Or, la même pensée qu’il se refusait à admettre l’affolait : et il dit, la voix sourde, cognant ensemble ses poings crispés à hauteur de sa bouche :