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UN VIEUX BOUGRE

— Ar’Guth avait tiré son couteau… J’ai pas pensé au mien… J’ai cogné… Au deuxième coup, en plein front, y tombe… d’abord sur les genoux… et puis sur l’ventre… la bouche contre mes souliers… J’l’ai r’tourné, à cause du sang… La Mabrouka m’a appelé encore… et on a fait ça, d’vant l’mort… C’est un souvenir chaud, après quarante ans passés !…

— Après ? demanda Mlle Rubis, qui haletait.

Mlle Youyou se bouchait les oreilles pour ne plus entendre. Elle dut s’adosser à l’échelle, car ses jarrets pliaient.

— Après ?… À nous deux, on a déshabillé Ar’Guth… On l’a descendu dehors… et j’ai lâché les chiens… Une idée à moi !… C’étaient des bêtes jaunes à poil ras… mal nourries et féroces, avec des mâchoires de lions… La femelle a léché un peu de sang… le mâle s’est couché plus loin, en grognant… Y n’ont pas voulu l’manger… Alors… bien proprement… j’ai creusé un grand trou… et on a enterré Ar’Guth dedans… Au matin, ça n’paraissait pas… Ses vieux, qu’il avait laissés avec Mabrouka, et qui habitaient la roulotte, atten-