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lesquelles il faut ou non [recourir] à une déplétion [1].

Chez les athlètes, un état de santé porté à l'extrême est dangereux [2] ; car il ne peut demeurer à ce point, et, puisqu'il ne peut ni demeurer stationnaire, ni arriver à une amélioration, il ne lui reste plus qu'à se détériorer. C'est pourquoi il faut se hâter de faire tomber cette exubérance de santé, afin que le corps puisse recommencer à se nourrir ; il ne faut cependant pas pousser l'affaissement à l'extrême, car ce serait dangereux; mais le porter à un degré tel que la nature de l'individu puisse y résister. De même les déplétions poussées à l'excès sont dangereuses, et à leur tour les réplétions poussées à l'extrême sont dangereuses [3].

Le régime exigu et rigoureusement observé, est toujours dangereux dans les maladies de long cours, et dans les maladies aiguës où il ne convient pas ; en effet, le régime poussé à la dernière exiguïté est fâcheux; et à son tour la réplétion poussée à l'extrême, est fâcheuse [4].

Les malades soumis à un régime exigu, y font [nécessairement] des infractions ; par conséquent, ils en éprouvent plus de dommage ; car toute infraction est alors plus grave que si elle était commise dans un régime un peu plus substantiel. Par la même raison, un régime très exigu, parfaitement réglé et rigoureusement observé, est dangereux pour les personnes en santé, parce qu'elles supportent les écarts plus difficilement [que d'autres]. Ainsi donc, un régime exigu et sévère est en général plus dangereux qu'un régime un peu plus abondant [5].

Mais dans les maladies extrêmes, les moyens thérapeutiques extrêmes employés avec une sévère exactitude, sont très puissants [6].

Ainsi donc, quand la maladie est très aiguë, et que les phénomènes morbides [7] arrivent immédiatement à un point extrême, il est nécessaire de prescrire [dès le début] un régime extrêmement exigu ; mais quand il n'en est pas ainsi, et qu'il est permis de donner des aliments plus abondants, on s'écartera d'autant plus [de la sévérité du régime] que la maladie sera plus éloignée, par la modération de ses symptômes, de l'extrême acuité.

Quand la maladie est à sa période d'état, il est nécessaire de prescrire un régime très sévère.

Mais il faut savoir calculer si [les forces] du malade suffiront avec ce régime pour [passer] la période d'état de la maladie, et prévoir si le malade cédera le premier ne pouvant suffire avec ce régime, ou si la maladie cédera la première et s'affaiblira.

  1. Aph. 2. - 2. « Hippocrate, dit Galien (p. 357 ), prouve contre l'opinion de certains interprètes, qu'il entend non la quantité, mais la qualité des matières évacuées, puisqu'il se sert de καθαίρεσθαι (purger), mot consacré qui signifie évacuer les humeurs nuisibles par leurs qualités, et non κενοῦσθαι, qui veut dire simplement évacuer. - Ceux qui pensent qu'Hippocrate entendait par le mot κενεαγγείη, l'abstinence, se trompent grossièrement. Il appelle ainsi toute déplétion, de quelque nature qu'elle soit, parce que dans toutes les évacuations les vaisseaux sont désemplis. » J'ai donc traduit κενεαγγείη par déplétion vasculaire et non par déplétion sanguine comme le fait M. Lallemand. J'ai ajouté [artificielle] pour me conformer à la très juste interprétation de Théophile (p. 254). Galien indique à quels signes on reconnaît la prédominance de telle ou telle humeur. En première ligne il place la couleur de la peau, sorte de reflet extérieur de cette prédominance ; ce caractère ne manque jamais, à moins que l'humeur n'ait reflué vers les parties profondes. Si cet indice fait défaut, il faut considérer la saison, le pays, les maladies ; c'est ainsi que la bile prédomine, ou dans une saison chaude, ou dans un climat élevé, ou dans la vigueur de l'âge, et qu'une maladie à type tierce est entretenue par la bile jaune, à type quarte par la bile noire. Il faudra donc tantôt évacuer la bile, tantôt la pituite, tantôt le sang ou la sérosité.
  2. Aph. 3. - 3. Le texte vulg. porte αἱ ἐπ' ἄκρον εὐεξίαι σφαλεραὶ, ἣν ἐν τῖω ἐσχάτῳ ἔωσιν. Il me semble que ἣν κ. τ. λ. est une glose de ἐπ' ἄκρον, et doit être expulsé du texte. Je me crois, du reste, autorisé à cette correction par Théoph. (p. 258 ), et Damas. (p. 260 ).
  3. Aph. 3. - 4. Le commentaire de Galien porte sur quatre points : 1°. établir qu'il s'agit ici non plus de la qualité, mais de la quantité des évacuations; 2°. montrer les dangers de l'extrême plénitude, qui sont la rupture des vaisseaux et l'extinction de la chaleur native; 3°. prouver par la coction, la distribution des aliments, par la formation du sang, par la juxtaposition, l'assimilation, la transsubstantiation des éléments, que le corps étant soumis à des changements perpétuels, la parfaite santé ne peut pas toujours rester au même point; 4°. établir le rapport qu'il y a entre les deux parties de cet aphorisme. Galien nous apprend, en effet, que ce qui est dit de l'exubérance de santé des athlètes est un terme de comparaison, un exemple qui sert à établir une doctrine plus générale sur la quantité des déplétions et des réplétions. Le dernier membre de phrase de cet aphorisme présente quelque difficulté. Il y avait dans l'antiquité deux interprétations différentes, l'une qui est celle de Galien, de Théophile, d'Oribase et de Foës, et que j'ai suivie comme la plus logique et la plus rigoureusement conforme au texte ; l'autre, signalée par Galien, adoptée par Damascius, et qui me paraît être à peu près celle de M. Lallemand. Suivant Damascius (p. 261), Hippocrate veut dire que les déplétions sont dangereuses, parce que les aliments que l'on donne ensuite pour reconstituer le corps sont nuisibles, car la nature étant devenue faible, ils ne peuvent plus être digérés.
  4. Aph. 4. - 5. Le texte vulgaire pour cette dernière phrase est irrégulier. Je l'ai restitué en partie sur le texte du manuscrit 1884, en partie sur celui de Dielz (Schol., p. 262).
  5. Aph. 5. - 6. J'ai suivi pour cet aphorisme le Commentaire de Galien (cf. p. 371 et suiv.).
  6. Aph. 6. - 7. Ce texte a divisé les commentateurs. Théophile, Damascius et Étienne (p. 264 et 265), interprètent comme s'il ne s'agissait que du régime et de la diète absolue; mais Galien, et je me conforme à son sentiment, pense qu'il s'agit des moyens thérapeutiques, en général, au nombre desquels il place le régime. C'est du reste l'interprétation qu'il reproduit dans son traité de la Méthode thérapeutique (V, 15, t. X, p. 376), quand il accuse Erasistrate d'agir avec lenteur au commencement des maladies très aiguës, et de recourir à un traitement actif quand l'occasion est échappée.
  7. Aph. 7. - 8. « Hippocrate, dit Galien (p. 373), appelle πόνους, soit les paroxysmes, soit, d'une manière générale, toute espèce de symptômes. Par immédiatement (αὐτίκα), il faut entendre les quatre premiers jours, ou même un espace de temps un peu plus long. »