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des copistes, ce traité est le plus difficile à comprendre de toute la Collection. On n’a qu’à comparer les traductions pour se convaincre qu’en plus d’un passage le sens reste indéterminé ; autrement, on ne verrait pas d’aussi grandes dissidences entre les traducteurs. Calvus, Froben, Zwinger, Foes et Dacier suivent, dans les endroits embarrassants, chacun sa voie ; et, mainte fois, je n’ai fait qu’ajouter une divergence de plus à leurs divergences.

L’expérience d’abord, le raisonnement ensuite, telle est la double base sur laquelle l’auteur fonde la connaissance de la médecine. C’est la vraie doctrine hippocratique. Jamais Hippocrate n’a interverti les rôles, ni mis le raisonnement d’abord et l’expérience ensuite. Il n’y a que dommage, dit l’auteur, pour ceux qui donnent le pas au raisonnement ; ils sont dans un chemin sans issue.

Des médecins, appelés auprès d’un malade, s’occupaient d’abord de convenir du salaire qui leur serait alloué à la fin de la maladie. L’auteur reprouve ce procédé ; cela, dit-il, inquiète le malade ; et il vaut mieux s’exposer à trouver l’ingratitude en fin de compte qu’à augmenter les chances mauvaises de la maladie. Quant au salaire en lui-même, il recommande de n’y mettre aucune âpreté, indiquant les cas où il est soit honorable soit charitable de donner des soins gratuits, et consignant cette belle maxime : « Là où est l’amour des hommes, là est aussi l’amour de l’art. »

En regard de cette esquisse du vrai médecin, il met celle du médecin qui n’en a que le nom. Celui-ci est sans éducation médicale ; il est porté au pinacle par la faveur de quelques riches malades qui, dans le cours d’une longue affection, ont obtenu une amélioration fortuite ; il se garde d’appeler d’autres médecins ; il a pour le secours une méchante aversion. Ces traits de la physionomie du charlatan médical, vrais il y a plus de deux mille ans, ont conservé toute leur vérité ; et le public, particulièrement les riches malades n’ont rien perdu de leurs dispositions à se laisser duper.