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de peine et bien plus de temps que si l’on employait les yeux. Ce qui échappe à la vue du corps est saisi par la vue de l’esprit ; et les accidents qu’éprouve le malade dans ce retard, sont imputables, non à celui qui le traite, mais à la constitution du patient et à la nature du mal. En effet, le médecin, n’ayant pu connaître l’affection ni par la vue directe ni par les détails communiqués, la recherche par le raisonnement. Et de fait, les renseignements que les individus atteints de maladies cachées essayent de donner au médecin, sont dictés plus par les opinions que par une connaissance positive ; car, s’ils avaient eu cette connaissance, ils ne seraient pas tombés malades, vu que c’est un savoir de même ordre de pénétrer la cause des maladies et d’être habile à y appliquer tous les traitements qui les empêchent de grandir. Donc, lorsque les renseignements ne peuvent fournir rien de précis et de certain, le médecin doit tourner ailleurs ses regards ; et une telle lenteur est imputable, non à l’art, mais à la nature des corps malades. L’art attend, pour se mettre à l’œuvre, qu’il se soit rendu compte du mal, visant à le traiter plutôt avec prudence qu’avec témérité, avec douceur plutôt qu’avec violence. La nature, si elle donne le temps de pénétrer le mal, donnera aussi le temps de le guérir ; mais, si elle est vaincue dans l’intervalle que dure l’examen, soit parce que le secours du médecin a été tardivement réclamé, soit à cause de la rapidité du mal, l’issue sera funeste. La maladie, si le traitement part en même temps qu’elle, n’a point d’avance ; elle en a quand elle le précède ; et elle le précède tant à cause de la densité des corps, au fond desquels habitent les maladies loin du regard, que parla négligence des patients ; or, la chose est naturelle ; car c’est non pour le mal s’établissant, mais pour le mal établi, qu’ils demandent les secours médicaux. Cela étant, la puissance de l’art me paraît plus admirable quand il rend la santé à quelque malade atteint d’une affection cachée, que quand il s’attaque à des choses impossibles. Du moins, lui demander de s’y attaquer, ce serait lui imposer une condition