Page:Hippocrate - Œuvres complètes, traduction Littré, 1839 volume 6.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne l’est que le médecin fera de mauvaises prescriptions. En effet, le médecin se met à l’œuvre sain d’esprit et sain de corps, raisonnant sur le cas présent, et, parmi les cas passés, sur ceux qui ressemblent au cas présent, de manière à pouvoir citer des guérisons dues au traitement. Mais le malade, qui ne connaît ni sa maladie, ni les causes de sa maladie, ni ce qui adviendra de l’état actuel, ni ce qui arrive dans des cas semblables aux siens, reçoit les ordonnances, souffrant dans le présent, effrayé pour l’avenir, plein de son mal, vide d’aliments, souhaitant plutôt ce que la maladie lui rend agréable, que ce qui convient à la guérison, ne voulant sans doute pas mourir, mais incapable de fermeté et de patience. Laquelle des deux alternatives est la plus vraisemblable, soit d’admettre que le malade, ainsi disposé, n’exécutera pas ou exécutera mal les ordonnances du médecin ; soit d’admettre que le médecin, se trouvant dans les conditions décrites plus haut, fera de mauvaises prescriptions ? N’est-il pas bien plus naturel que l’un prescrive convenablement, mais que l’autre n’ait sans doute pas le courage d’obéir, et, n’obéissant pas, succombe ? Terminaison funeste, dont ceux qui raisonnent mal ôtent la responsabilité au vrai coupable pour la rejeter sur qui n’en peut mais.

8. (Objection : les médecins refusent de se charger des maladies désespérées ; l’art, s’il était réel, devrait tout guérir. — Réponse : en toute chose il γ a des bornes que l’art ne peut dépasser.) D’autres, en raison des médecins qui refusent de se charger des maladies désespérées, attaquent la médecine, et disent que les cas qu’elle entreprend de traiter guériraient d’eux-mêmes, mais qu’elle déserte justement ceux où il est besoin de secours, et que, s’il y avait un art, il faudrait guérir tout également. Ceux qui tiennent de tels discours, s’ils blâmaient les médecins de ne pas les soigner, eux qui parlent ainsi, comme gens en délire, leur adresseraient un re-