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mais il se peut, ce me semble, que, même sans médecin, ils aient usé de la médecine. Ce n’est pas qu’ils aient su ce qu’elle aurait conseillé ou déconseillé ; mais le hasard a fait qu’ils se sont traités comme les aurait traités un médecin, s’ils s’en étaient servis. Et certes, c’est là une grande preuve de l’existence de l’art, tellement existant et tellement fort que, manifestement, il sauve ceux même qui n’y croient pas. Car, de toute nécessité, les malades qui, sans se servir de médecin, ont guéri, savent qu’ils ont guéri en faisant ou ne faisant pas ceci ou cela. Abstinence d’aliments ou alimentation abondante, boissons copieuses ou soif, bains ou absence de bains, exercice ou repos, sommeil ou veille, ou enfin mélange de toutes ces choses, telles sont les conditions sous lesquelles ils se sont rétablis. Et, nécessairement aussi, ils ont reconnu par le soulagement ce qui était utile, et par le mal souffert, s’ils en ont souffert, ce qui était nuisible. A la vérité, tout le monde n’est pas capable de reconnaître les caractères de ce qui sert et de ce qui nuit. Mais le malade qui saura louer ou blâmer quelques points du régime sous lequel il a guéri, trouvera que tout cela est la médecine ; et ce qui a nui ne témoigne pas moins que ce qui a servi, en faveur de l’existence de l’art. En effet, l’utile a été utile par la bonne application, et le nuisible a été nuisible par la mauvaise application. Or, quand le bien et le mal ont chacun une limite, comment ne pas voir là un art ? Je maintiens que l’art est absent partout où rien n’est ni bien ni mal ; mais je maintiens aussi, quand le bien et le mal sont en présence, que l’art ne peut plus être absent.

6. (Développement de la réponse : la variété et la combinaison des moyens prouvent la réalité de l’art. Le hasard