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argument

cette masse d’hommes s’y montre, au contraire, réfractaire pendant un temps variable en durée, mais qui est susceptible de se prolonger au delà d’une année. Dans cette circonstance, de deux choses l’une : ou le régiment arrive de la partie marécageuse du littoral africain, et alors les maladies dominantes sont celles qui règnent dans toutes les localités paludéennes ; ou bien le régiment arrive d’Oran, où règne, comme on sait, la forme dysentérique, et alors les flux de ventre continuent à rester la maladie dominante et n’épargnent pas même ceux qui leur avaient échappé en Afrique. On comprend combien la connaissance de la faculté que possède l’organisme de produire, loin du foyer et pendant fort longtemps, des maladies spéciales, peut devenir utile dans le diagnostic médical. Pour notre compte, elle nous rend journellement les plus grands services à l’hôpital de Marseille, où affluent de presque tous les points du globe des malades dont les affections, grâce à la rapidité de la navigation par les bateaux à vapeur, conservent plus que jamais le cachet du lieu de leur provenance exotique. Il importe ici au plus haut degré de ne jamais perdre de vue la pathologie propre aux localités antérieurement habitées, et d’observer, par rapport aux lieux, le célèbre précepte posé par Celse par rapport aux temps : Neque solum interest quales dies sint, sed etiam quales prœcesserint. Ainsi, par suite des arrivages incessants de militaires ou de marins venant du dehors, rien n’est moins rare que de rencontrer dans nos salles, à Marseille, des hommes atteints de fièvres pernicieuses, alors pourtant qu’une fièvre intermittente franche et légitime, chez un habitant de cette ville, constitue un véritable événement. Or, on sait que le traitement d’une fièvre pernicieuse n’admet pas la moindre hésitation dans le diagnostic, lequel, dans le cas particulier et sans la connaissance de la loi que nous exposons, emprunte des difficultés spéciales, non-seulement de l’étrangeté de la maladie, mais encore de l’impossibilité dans laquelle se trouve fréquemment le malade, plongé dans un état comateux, de répondre