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que de se présenter sous cette forme ; mais ce désavantage s’accroît encore, si l’on considère les Aphorismes avec les idées modernes, avec les notions que nous avons aujourd’hui de la physiologie et de la pathologie ; alors s’efface toute signification générale, et l’aphorisme, déjà si isolé par lui-même, le devient encore plus quand il est introduit dans la science contemporaine, où il n’a plus guère ni tenants ni aboutissants. Il n’en est plus de même quand on a présentes à l’esprit les idées sous l’influence desquelles les Aphorismes ont été écrits ; alors, là même où ils sont le plus disparates, on reconnaît qu’ils sont sous la dépendance d’une doctrine commune qui les embrasse ; cette dépendance satisfait l’esprit, et, par ce côté, du moins, les aphorismes cessent de se présenter comme des sentences détachées.

Il faut donc rappeler ici, en quelques mots, la doctrine commune qui a inspiré les Aphorismes. L’être humain est animé d’une chaleur congénitale (θερμὸν ἔμφυτον), et sa santé se conserve tant que se conserve la crâse des solides et des liquides qui le constituent. La crâse est le juste mélange, le tempérament des éléments du corps. La maladie, produite par une cause quelconque, est le résultat du dérangement de cette crâse ou tempérament ; alors, les humeurs deviennent intempérées, ἄκρητοι ; il y a encore intempérie quand une humeur prédomine ; de là cette expression qu’on rencontre si souvent dans les écrits hippocratiques de bile intempérée, χολὴ ἄκρητος, ce qui veut dire que la bile, n’étant plus retenue dans les limites de la crâse, se montre seule : aussi cette présence, dans les évacuations, d’une humeur sans mélange, intempérée, est-elle signalée par les Hippocratiques comme un mauvais symptôme. Remarquons qu’il n’y a là aucune hypothèse, que tout est fondé sur des faits réels rangés d’après une certaine théorie ; en effet, le corps est évidemment animé d’une chaleur naturelle[1] et, évidemment aussi, dans la

  1. Toutefois, les Hippocratiques avaient fait de la chaleur innée une en-