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de l’ancienne médecine.

sans avoir besoin d’aucune autre alimentation. Sans doute, dans les premiers temps l’homme n’eut pas d’autre nourriture ; et celle dont on se sert de nos jours me semble une invention qui s’est élaborée dans le long cours des ans. Mais d’une alimentation forte et agreste naissaient une foule de souffrances violentes, telles qu’on les éprouverait encore aujourd’hui par la même cause ; chez ceux qui se sustentaient avec ces matières crues, indigestes et pleines d’activité, survenaient des douleurs intenses, les maladies et une prompte mort. Les hommes d’alors en souffraient moins sans doute, à cause de l’habitude ; cependant le mal était grand même pour eux ; et la plupart, surtout ceux qui étaient d’une constitution plus faible, périssaient ; les natures les plus vigoureuses résistaient davantage. C’est ainsi que, de nos jours, les uns digèrent, avec facilité, des aliments d’une grande force, et les autres n’en triomphent qu’avec beaucoup de peine et de douleur. Telle fut, ce me semble, la cause qui engagea les hommes à chercher une nourriture en harmonie avec notre nature, et ils trouvèrent celle qui est en usage maintenant. En effet, apprenant à macérer, à monder, à cribler, à moudre, à pétrir les grains, ils ont fabriqué, avec le blé, du pain, avec l’orge, de la pâte qu’ils ont travaillée de mille manières. Ils ont fait bouillir, fait rôtir, composé des mélanges, et tempéré, par des substances plus faibles, ce qui était fort et intempéré,