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argument.

médecine des Indiens, laquelle a recours le plus souvent, non aux médicaments, mais à l’alimentation[1].

C’est dans cette masse d’expériences, c’est dans ce passé tout entier qu’est posée la base de la médecine ; c’est de là qu’il faut partir sous peine de s’égarer. Une hypothèse substituée à la réalité que l’on possède ici, est une déviation de la vraie route, et une erreur capitale, qui change une science véritable en une spéculation vide et sans fondement. Hippocrate va jusqu’à dire que par une autre méthode il est impossible de rien trouver, n’admettant pas que l’on puisse trouver quelque chose si on s’appuie sur une hypothèse, et croyant que séparer des faits la science, c’est la séparer de sa racine et la frapper de stérilité.

Hippocrate appelle nouveaux les systèmes qui cherchaient, dans un élément unique, ou le jeu régulier de la vie ou les altérations de la maladie ; en effet ces systèmes provenaient de l’influence de l’école d’Élée. Xénophane, Parménide, Zénon, Mélissus avaient soutenu que l’univers forme une immense unité ; Zénon même avait introduit, dans sa physique, les quatre qualités du chaud, du froid, du sec et de l’humide. Ces philosophes étaient antérieurs à Hippocrate ; leur doctrine influa, comme cela arrive toujours, sur la médecine ; et le temps nécessaire pour que cette influence se fît sentir, explique comment Hippocrate signale la nouveauté des opinions qui importent, dans la pathologie, l’idée systématique des Éléates, et veulent rattacher à une seule cause l’origine de toutes les maladies. Le gendre d’Hippocrate, Polybe, combat en physiologie une doctrine semblable et il remarque expressément que soutenir l’unité de composition du corps, c’est justifier la doctrine de Mélissus[2].

En faisant la critique de ceux qui, de son temps, prétendaient ramener à une ou à deux causes l’origine de toutes les maladies, Hippocrate a condamné d’avance tous les systèmes qui

  1. P. 677, Basil., 1549.
  2. Τὸν Μελίσσου λόγον ὀρθοῦν. Pag. 20, Éd. Frob.