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introduction.

rattacher plus particulièrement à telle ou telle affection, ont une signification propre, présagent ce qui va arriver, indiquent l’issue probable de la lutte, les efforts que tentera la nature, les voies par où elle se déchargera, et les secours auxquels l’art peut et doit recourir. Dans ce point de vue où la maladie est considérée comme quelque chose de général et d’indéterminé, la connaissance d’une maladie particulière n’est même pas très nécessaire, et remarquez que, dans le fait, cette connaissance était très bornée. La prognose étudie l’expression fidèle par laquelle l’économie trahit le dérangement qu’elle éprouve ; et c’est cette expression qu’il importe de saisir. Faire prévaloir l’observation de tout l’organisme sur l’observation d’un organe, l’étude des symptômes généraux sur l’étude des symptômes locaux, l’idée des communautés des maladies, sur l’idée de leurs particularités, telle est la médecine de l’école de Cos et d’Hippocrate.

J’ai déjà eu occasion de le remarquer dans cette Introduction, la science humaine ne marche pas autrement que l’histoire humaine ; les découvertes et les systèmes ne naissent pas plus spontanément et sans antécédents que les événements des empires et les révolutions des sociétés. La prognose hippocratique, telle que je viens de l’exposer, est certainement un beau résultat du travail de l’antiquité, mais elle n’est pas née soudainement dans la tête d’Hippocrate, ou, pour mieux dire, dans l’enceinte de l’école de Cos ; elle avait ses éléments tout préparés, et la filiation en est simple et naturelle. On sait ce qu’étaient les temples des Asclépiades ; les prêtres-médecins qui les desservaient, y recevaient les malades, consignaient les remarques que leur suggérait l’issue des maladies, et formaient ainsi un recueil des notes expérimentales que l’on retrouve dans les Prénotions coaques, et dans le premier livre des Prorrhétiques.