Page:Hippocrate - Œuvres complètes, traduction Littré, 1839 volume 1.djvu/322

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
304
introduction.

on tire les conséquences scientifiques qui en découlent : assurant que c’est là la seule voie, la seule méthode, comme dit Platon, qui puisse donner des notions positives sur le corps.

Toute la portée de la pensée d’Hippocrate est dans son opposition avec la doctrine des philosophes qui voulaient qu’on étudiât l’homme en soi, pour en déduire, dans le cas particulier de la médecine, les règles de l’art. Hippocrate s’arrache à cette doctrine ; et il demande que les études, au lieu de partir de l’homme, y aboutissent. La différence est capitale ; elle a frappé Platon. Aussi il répète, à son tour, qu’il faut étudier l’âme dans tous ses rapports avec le reste de la nature pour en avoir une conception juste et complète, et il ajoute que cette méthode doit d’autant plus être suivie à l’égard de l’âme, que le corps, moins difficile à connaître, ne peut cependant, au dire d’Hippocrate, être, sans elle, ni étudié convenablement, ni connu, ni apprécié. Le philosophe a appliqué à la psychologie l’idée profonde et étendue à la fois que le médecin s’était faite de l’étude de la physiologie.

Et dans Hippocrate, ce n’est pas une pensée fortuite, jetée en passant dans le cours d’un livre, car ce livre tout entier est une longue polémique contre les philosophes et les médecins de son temps. Il met sa doctrine en relief, et l’on conçoit d’autant mieux qu’elle ne soit pas restée inaperçue de Platon ; car elle est fondamentale, exprimée avec gravité, et d’un ton propre à attirer l’attention. Elle secoue tout le dogmatisme qui reposait sur la considération de la composition hypothétique du corps humain, et déclare hardiment qu’il faut renoncer à étudier le corps en lui-même ; qu’il faut y voir, non un point de départ, mais un centre, et en chercher la connaissance aussi bien dans l’action du reste des choses que dans sa propre