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RACHEL EN AMÉRIQUE

voilà aujourd’hui si affaibli qu’il en reste vraiment bien peu de chose !… Cette lettre est donc pour vous dire adieu, mon ami, cet adieu que l’éloignement où nous sommes l’un de l’autre vous empêche de venir chercher auprès de moi, comme il s’oppose à ce que je vous le porte moi-même.

Que d’événements dans ma triste vie, mon ami, depuis notre dernière rencontre, et quel cruel voyage M Je n’en puis encore parler sans répandre des larmes, sans me dire ce qu’ont eu de terrible les déceptions qui m’attendaient et que le mal affreux qui me dévore a si rapidement fait naître. Mais pouvais-je m’attendre à cette fin lugubre d’une entreprise qui avait débuté avec assez de bonheur, et qui a avorté à l’heure même où le succès en paraissait certain ?… Et ce mal implacable, cette tunique de Nessus que je ne puis arracher, ce mal, il était si facile de le prévenir ! Mais j’ai eu trop de foi dans mes forces physiques, trop de confiance en mon étoile, et, sans précautions aucunes, j’ai marché devant moi sur cette interminable route qui va de New-York à la Havane, la dernière étape de mon odyssée mortelle !… En effet, mon ami, reviendrai-je vivante de ce pays où je pars, et Dieu finira-t-il par me prendre en pitié pour les miens, pour mes pauvres et chers enfants, pour mes amis eux-mêmes, ou me rappellera-t-il à lui ?

Adieu, mon ami. Cette lettre sera peut-être la dernière. Vous qui avez connu Rachel si brillante, qui l’avez vue

I. Son excursion en Amérique.