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ÉD. GRIMARD

fugitifs, bien qu’ils dussent avoir quelque peine à découvrir le mouillage de l’Alert.

« Où est le navire ?… demanda Harrv Markel.

— Là », répondit Corty en tendant la main vers le sud-est.

Il est vrai, lorsque le canot s’en approcherait, on verrait, sans doute, le fanal suspendu à l’étai de misaine.

Pris d’impatience et d’inquiétude, Corty remonta d’une cinquantaine de pas vers les maisons en bordure du quai, dont plusieurs fenêtres étaient éclairées. Il se rapprocha ainsi de l’une des rues par lesquelles devaient déboucher John Carpenter et le cuisinier. Lorsque quelque individu en sortait, Corty se demandait si ce n’était pas l’un d’eux en cas qu’ils eussent dû se séparer. Alors, le maître d’équipage aurait attendu son compagnon, celui-ci ne sachant quelle direction suivre pour rejoindre l’embarcation au pied de l’appontement.

Corty ne s’avançait qu’avec la plus extrême prudence. Il se défilait le long des murailles, prêtant l’oreille au moindre bruit. À chaque instant pouvait se produire une irruption de constables. Après avoir inutilement perquisitionné les tavernes, la police continuerait assurément ses recherches sur le port et visiterait les canots amarrés au quai.

À ce moment, Harry Markel et les autres furent mis en alerte, et durent croire que la chance allait tourner contre eux.

En effet, à l’extrémité de la rue du Blue-Fox, il se fit un bruyant tumulte. La foule reflua au milieu des cris et des bourrades. À cette heure, un bec de gaz éclairait l’angle des premières maisons, et l’endroit était moins obscur.

(La suite prochainement.)Jules Verne.

MONOGRAPHIES VÉGÉTALES[1]

LES PLANTES CÉLÈBRES OU LÉGENDAIRES

Quittons ces paysages sous-marins, véritables lieux enchantés, et revenons sur terre, où nous retrouverons dans telle ou telle de ses flores quelques-unes des plantes dont l’histoire nous fournira les plus curieux sujets d’étude.

Étant donné le rôle considérable que jouent les plantes dans l’économie générale de la création, il ne faut pas s’étonner de ce que quelques-unes d’entre elles, ayant frappé l’imagination des peuples par leur beauté, leurs formes, leurs vertus bienfaisantes, comme aussi, en d’autres cas, par leurs propriétés redoutables, soient devenues des espèces de personnalités qu’entoure le prestige d’une célébrité traditionnelle.

Aussi, certains végétaux ont-ils leurs légendes, tantôt gracieuses et poétiques, tantôt sinistres et répulsives. Telle plante pharmaceutique désignée sous le nom de « Simple » est entourée du respect et de la reconnaissance de ceux qu’elle a soulagés ou guéris et qui par exagération en ont fait une merveilleuse panacée douée de vertus presque magiques. Telles autres plantes réellement redoutables ou transfigurées par telles fantaisies mythologiques, sont devenues les objets d’une terreur plus ou moins justifiée qu’ont maintenue et propagée les superstitions populaires.

Parmi les végétaux que nous avons précédemment mentionnés, à titres divers, il y en a quelques-uns, nous venons de le dire, dont la physionomie est tellement expressive et

  1. Voir les nos 137 et suivants.