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homme habile vienne fournir les renseignements qui pourront êtres utiles.

— Quelle chance ! Je serai bien aise de le revoir, s’écria Jock. J’espère qu’il arrivera avant notre départ.

— Mais vous n’allez pas de sitôt retourner chez vous, dit Molly d’un ton d’autorité. Le docteur déclare que l’air des montagnes vous fera le plus grand bien. Quant à Tramp, il n’est pas en état de voyager encore.

— Cependant, dit Jock anxieusement, il faut que je retourne à la maison avec maman ; je ne puis la laisser seule recommencer un aussi long voyage, et ma petite sœur, de son côté, a besoin d’elle.

— Eh bien ! on me demande de rester aussi, reprit la mère en souriant. Tu comprends, mon chéri, que je suis curieuse de savoir comment toutes ces affaires se termineront. M. Harrison dit que Beggarmoor fournira assez de ressources pour qu’on puisse t’envoyer dans ton ancien collège. Il va essayer d’arranger l’affaire immédiatement, mais tu n’y entreras qu’après les vacances de Noël.

— Hourra ! s’écria Jock. Je vais retourner dans mon collège ! Plus tard, je pourrai donc choisir une profession sans penser à gagner de l’argent.

— Mais, Jock, il ne faut pas t’imaginer que tu sois devenu riche. Beggarmoor, isolé de tout centre important, ne rapportera jamais de gros revenus, dût-on y trouver beaucoup de charbon.

M. Grimshaw n’a pas eu l’intention de me combler de richesses. Il disait avec raison que lorsqu’on a trop de fortune, on laisse le plus souvent le travail de côté. Alors la vie devient inutile et triste. Si j’ai les ressources suffisantes pour me procurer une instruction complète, en même temps que vous ne manquerez de rien, je pourrai devenir ingénieur et réaliser ainsi mon unique ambition.

— Est-ce vraiment ton désir ? Je croyais qu’il ne s’agissait que d’une lubie d’enfant. Je ne vois pas ce qui t’attire vers une telle profession, dit Mme Pole.

— Les ingénieurs font au moins quelque chose et ne se contentent pas de parler, dit Jock blessé, en reprenant son air de timide gaucherie.

— Oui, sans doute, et ils doivent être extrêmement utiles ; mais on n’entend pas parler beaucoup d’eux. Soldat ou marin, tu serais à même de te signaler, ta réputation volerait au loin, tandis qu’à peine on conserve le nom des ingénieurs qui ont fait les travaux les plus utiles.

— Qu’importe l’opinion des hommes, pourvu qu’on fasse quelque chose ! Supposons que je n’arrive qu’à exécuter une seule œuvre, comme serait celle d’un pont difficile, ma conscience me rendra témoignage ; plus tard on bénira ma mémoire, et, mon nom dût-il être ignoré, ce travail n’en serait pas moins utile, et resterait mon œuvre à moi. »

Molly avait écouté attentivement ; après un moment de sérieuse réflexion, selon sa coutume, elle donna son avis :

« M. Grimshaw pensait, sans doute, comme vous quand il vous conseillait de ne pas travailler d’abord pour la renommée : je n’avais pas très bien compris.

— Moi, dit Jock, je n’oublierai jamais ses recommandations, car c’est la première personne qui ait pris la peine d’écouter mes projets et mes rêves. »

Émerveillée, Mme Pole écoutait les deux enfants ; pour la première fois se révélait à elle ce petit garçon qu’elle avait toujours traité comme un enfant insensible et ennuyeux. Elle était résolue à encourager son fils désormais ; puis, se baissant, elle se mit à caresser Tramp, disant, le visage souriant, qu’elle allait essayer de comprendre les chiens et les petits garçons.

Sur l’invitation de M. Harrison, l’ingénieur arriva le surlendemain. On imagine quel accueil chaleureux lui fut fait par Jock.