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JULES VERNE

Aussi, très ennuyé, très vexé, dès que le cri : Terre ! retentit à bord, mit-il Tony Renault en demeure de s’expliquer.

« Rien de plus simple, répondit le jeune loustic d’Antilian School.

— Eh bien ?…

Rosam angelum letorum signifie exactement en bon français : Rose a mangé l’omelette au rhum ! »

M. Patterson ne comprit pas tout d’abord, mais, quand il eut compris, il sursauta comme s’il venait de recevoir une décharge électrique, puis se voila la face en signe d’horreur.

Bref, après une heureuse traversée, à la date du 22 octobre, le Victoria donnait dans le canal de Saint-Georges, et le soir même, il s’amarrait à son appontement des docks de Liverpool.

Des dépêches furent aussitôt lancées au directeur d’Antilian School et aux familles des jeunes pensionnaires, annonçant leur retour.

Dès le soir, les journaux relataient les faits dont l’Alert avait été le théâtre, et racontaient dans quelles conditions M. Horatio Patterson et les jeunes lauréats venaient d’être rapatriés en Angleterre.

Cette histoire eut un retentissement considérable. L’émotion fut grande lorsqu’on apprit les détails de ce drame qui avait débuté dans la baie de Cork par le massacre du capitaine Paxton et de son équipage, et dont le dénouement s’était accompli en plein Océan avec l’engloutissement d’Harry Markel et de toute sa bande.

En même temps, par les soins de M. Ardagh, Mrs Kethlen Sevmour était informée de ces événements. On imagine sans peine ce que dut être l’émotion de cette excellente et généreuse dame !… Que serait-il arrivé si elle n’avait eu la pensée d’assurer le passage de Will Mitz à bord de l’Alert !… Et quelle reconnaissance elle témoigna à ce brave marin devenu le héros du jour !… Maintenant, à Liverpool, Will Mitz n’avait plus qu’à attendre son embarquement comme second maître sur l’Élisa Warden.

Après avoir renouvelé au capitaine du Victoria les remerciements que méritait sa conduite, M. Horatio Patterson et les pensionnaires prirent un train de nuit. Le lendemain ils rentraient à Antilian School.

À cette date, les vacances étant achevées, on se figure quel accueil les voyageurs reçurent, après les péripéties d’un ici voyage ! Il fallut en connaître tous les détails et, assurément, l’on en parlerait longtemps encore, toujours peut-être, pendant les heures de récréations. Malgré tant de dangers auxquels avaient échappé les passagers de l’Alert, combien de leurs camarades regrettèrent de ne point les avoir partagés ! Et, nul doute à cet égard, si quelque nouveau concours s’ouvrait pour l’obtention de bourses de voyage, les concurrents ne manqueraient pas !

Il est vrai, tout portait à croire qu’il ne se rencontrerait pas une autre bande de pirates pour s’emparer du navire affecté au transport des jeunes lauréats.

Cependant, tous devaient avoir hâte de revoir leurs familles qui les attendaient avec tant d’impatience, — et à quoi avait-il tenu qu’ils ne fussent jamais revenus de ce voyage aux Antilles !

Aussi, à l’exception d’Hubert Perkins, dont les parents habitaient Antigoa, de Roger Hinsdale, dont la famille habitait Londres, John Howard, Louis Clodion, Tony Renault, Niels Harboe, Axel Wickborn, Albertus Leuwen, Magnus Anders, partirent immédiatement pour Manchester, Paris, Mantes, Copenhague, Rotterdam, Gottenbourg, désireux d’y passer quelques jours avant de revenir à Antilian School.

Cette histoire ne serait pas achevée de tous points si elle ne rappelait une dernière fois l’attention sur M. Horatio Patterson.

Il va sans dire qu’au moment où les deux époux tombèrent dans les bras l’un de l’autre,