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Tout confus ils sortent en se secouant, et, sur leurs poils, l’eau bientôt évaporée laisse un dépôt blanc ; des sloughis poudrés à frimas !

Au retour, passé près d’un douar. À une femme soignant le cheval de son maître et seigneur nous demandons du lait. Souriante, gracieuse, elle rentre dans la tente et rapporte, avec un couffin de dattes, un vase de lait.

Après avoir bu, nous lui donnons une pièce blanche. De joie elle appelle ses amies des tentes voisines pour la leur montrer. Aussitôt nous sommes entourés, assaillis ; toutes elles tendent la main, tandis qu’une nuée de marmots pleurent : « Soualdi, sidi, l’muchacho ! »[1] Après quelques sous jetés aux muchachos, qui se les disputent, nous nous sauvons ; longtemps encore les rires des enfants nous arrivent aux oreilles.

30 novembre. — Marché droit sur El Hadjera Mektouba, — la pierre écrite. — Un rocher assez élevé, comme coupé par un plan vertical, sur lequel paraissent de grossiers dessins de personnages et d’animaux.

« Il est de telles pierres, mais beaucoup plus nombreuses, à Tiout, disait M. Naimon. D’autres encore sont disséminées dans le Sud, simplement couvertes de caractères lybicoberbères. Les mêmes pierres écrites se rencontrent chez les Touareg qui sont de race berbère : « Le berbère, comme nos écoliers, aimait écrire son nom partout, pour distraire ses loisirs. S’il en avait le temps et le talent, il ajoutait quelque poésie ; ou bien il dessinait quelque scène de chasse »[2]. Du reste, voici ce qu’écrivit au sujet des pierres écrites du Sud Oranais un savant qui les a particulièrement étudiées.

(La fin prochainement.) Michel Antar.

  1. « Des sous, seigneur, à l’enfant. » Muchacho est un mot espagnol très employé dans le dialecte arabe de l’ouest.
  2. Sur le Niger et au pays des Touareg, lieutenant de vaisseau Hourst.
LE GÉANT DE L’AZUR
Par ANDRÉ LAURIE

XX

Branle-bas de bataille.


Dans ce péril mortel, Henri Massey décida immédiatement sa tactique. Chaque obus tiré du camp pouvait frapper l’Epiornis et l’abattre, comme avait fait naguère le Silure. Il fallait donc monter, monter, en changeant constamment de place, dans le sens horizontal comme dans le sens vertical. C’était le seul moyen de ne présenter aux canons et aux fusils qu’un but incertain et mobile, dans un tir en hauteur, toujours difficile.

Il opéra la manœuvre avec une habileté consommée.

Et pourtant, en dépit des bordées imprévues qu’il faisait courir à l’oiseau géant, tout en s’élevant sans relâche, les obus ne cessaient de siffler autour de lui, — un seul suffisait pour tout perdre, — et l’œil électrique, implacablement « collé » sur l’Epiornis, ne le lâchait pas une demi-seconde, suivait tous ses mouvements.

Soudain, une balle entra, ricochant sur le bordage…

Presque au même instant, la lumière électrique s’éteignait brusquement — comme soufflée.

D’un maître coup de son mauser, envoyé par le hublot du fond, Gérard venait de fracasser l’appareil, au milieu du camp.

« Pour vous apprendre à regarder où vous n’avez que faire, mes maîtres ! » disait-il en guise de commentaire.