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« Peu m’importent maintenant les trésors de l’univers, car je crois que ce misérable a tué mon chien, gémit le pauvre garçon dans un sanglot.

— Oh ! s’écria Molly, le cher Tramp ne peut être mort ! on va soigner la brave bête. »

Pendant ce temps, M. Harrison examinait sérieusement la pièce qui lui avait été remise ; il semblait ne pouvoir en croire ses yeux. Il se retourna vers les enfants.

« Jock ! dit-il, je ne sais comment vous avez pu vous procurer ce papier, mais vous aviez raison, il est d’une extrême importance. J’ai été sur le point de faire une folie, en vendant à vil prix une propriété de grande valeur… Il y a du charbon à Beggarmoor, mon enfant, et votre oncle ne s’est pas moqué de vous. »

Jock, encore à demi ébloui, tira de sa poche l’échantillon qu’il avait ramassé.

« Je suis heureux de ce qui arrive, dit-il ; maman ne manquera plus de ressources pour nous élever. J’ai cru que Bagshaw allait me tuer, et je crains qu’il n’ait assommé Tramp… Je suis si fatigué qu’il m’est impossible de me tenir debout. »

En achevant ces mots, il fit quelques pas en chancelant, trébucha et serait tombé si le vieux notaire ne l’avait retenu.

« Oh ! grand-père ! le pauvre Jock est-il mort aussi ? s’écria Molly éplorée, devant le visage décoloré de son jeune ami.

— Non, mon enfant, il n’est qu’évanoui. N’aie aucune crainte ; apporte-moi un peu d’eau-de-vie. »

Molly s’élança et revint avec le flacon demandé ; bientôt une faible rougeur colora le visage de Jock qui se ranimait sous l’influence du cordial.

Le repos était le remède le plus efficace pour rendre des forces à l’enfant épuisé ; après quelques minutes, il était confortablement installé dans un bon lit.

Molly, restée seule avec Tramp confié à ses soins, n’était pas sans inquiétude. Le pauvre animal ne faisait plus un seul mouvement ; la petite fille commença à avoir peur qu’il ne fût mort. Cependant, en mettant la main sur le cœur de Tramp, elle le sentit battre. Se souvenant alors comment l’eau-de-vie avait paru ranimer Jock, la petite infirmière recourut au même remède. Avec une peine infinie, elle réussit à en introduire quelques gouttes dans la gueule du chien : bientôt les yeux de Tramp s’ouvrirent, il essaya même de remuer la queue.

Molly voulut le forcer à se lever, mais il se laissa retomber en poussant un douloureux gémissement. Elle se sentit impuissante à le guérir. Après quelques instants de réflexion, la courageuse enfant, ayant jeté un regard inquiet sur ses jambes nues, sortit dans le vestibule, et, non sans grands efforts, décrocha du porte-manteau un pardessus de son grand-père et s’enveloppa dans ce vêtement. L’accoutrement était étrange et embarrassait les mouvements de la vaillante petite fille, cependant elle avait réussi à gagner la porte de sortie ; déjà la serrure cédait sous sa main, quand Suzanne surgit tout à coup.

« Mais, mademoiselle, s’écria la servante, que faites-vous ici ? Qui aurait cru que vous essayiez de nous jouer un tour pareil, pendant que toute notre attention est absorbée par votre petit ami qu’il nous faut soigner ?

— Vous ne comprenez pas, Suzanne, dit Molly en se dégageant des mains de sa femme de chambre. Je ne songe à causer de la peine à qui que ce soit, mais il faut que j’aille chercher le vétérinaire pour Tramp qui est sérieusement blessé ! — En tout cas, il m’est impossible de vous laisser sortir à cette heure, et surtout en robe de chambre et en pantoufles. Retournez vous chauffer dans le bureau, en attendant que je vous couche.

— Mais, répliqua Molly, regardez vous-même Tramp ! Ne semble-t-il pas très souffrant ? Jock me l’a confié pour que j’en prenne