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Jock le lui arracha sans mot dire, descendit le sentier en courant, terrifié d’entendre la porte s’ouvrir et la voix de Bagshaw s’exclamer avec colère.

Dans le champ, il fut arrêté par un gémissement plaintif, et, se détournant, il aperçut Tramp couché près de la barrière.

« Viens, Tramp, viens vite », s’écria l’enfant dans une angoisse mortelle. Mais le chien continuait à gémir, incapable de se mouvoir. Il n’y avait pas de temps à perdre. D’un bond, Jock fut près du chien. Enlevant l’animal languissant, il reprit sa course au moment où le fermier atteignait la barrière du jardin.


XI

Le mystère dévoilé.


Trébuchant sous le poids de son fardeau, Jock jetait des yeux hagards tout autour de lui, dans l’espoir de rencontrer quelque secours ou protection.

L’enfant était fort, et il était un bon coureur ; mais le poids de Tramp, la fatigue de sa marche, de sa nuit presque sans sommeil, se faisaient sentir.

Jamais il ne pourrait échapper à la poursuite de Bagshaw. Se souvenant de la longueur et de la solitude de la route qui le séparait de l’habitation la plus proche, il frémit de terreur.

Il avait traversé les champs, et maintenant dévalait le rude sentier des landes. À chaque pas, il sentait ses forces diminuer et se disait que sa capture n’était l’affaire que de quelques instants ; tout à coup, un nuage noir cacha la lune et l’obscurité devint complète.

Avec un nouvel espoir, Jock abandonnant le sentier se jeta dans la lande. S’il amortissait le bruit de ses pas, peut-être échapperait-il à Bagshaw. Subitement le pied de l’enfant s’accrocha à une racine, et il tomba.

Il lui sembla descendre, descendre toujours sans qu’il lui fût possible de s’arrêter ou de se guider dans sa chute ; ses efforts tendaient à protéger Tramp. Enfin ils atteignirent le sol. Jock demeura immobile, à demi étourdi ; il n’avait cependant aucune blessure. Bientôt il eut repris assez de calme pour écouter les pas de Bagshaw. Quelle fut sa joie de les entendre bien au-dessus de l’endroit où il était couché, puis bientôt expirer dans le lointain !

À ce moment, la lune, se dévoilant, lui montra à proximité les rochers entre lesquels il avait déjà passé une fois. Dans cet étroit couloir il serait sauvé, car son ennemi était trop gros pour l’y poursuivre.

Saisissant alors Tramp dans ses bras, Jock se leva pour traverser la parcelle de terrain marécageuse. Il entendit les pas du fermier qui rebroussait chemin sur la grand’route, mais le salut était à la portée de Jock. Dans un dernier effort désespéré, il gagna l’étroite ouverture des rochers ; il y pénétra à grand’peine, sans faire attention aux meurtrissures.

Puis, il tomba épuisé dans cet abri.

« Tramp, murmura-t-il bientôt, pourquoi ne bouges-tu pas ? Es-tu mort, cher Tramp ? »

À la voix de son maître, l’animal essaya de remuer la queue ; il lécha la main qui soutenait sa tête, puis retomba en poussant un faible soupir. Jock resta désolé, le corps inanimé de son chien sur ses genoux.

Quand M. Harrison revint chez lui, ce soir-là, il se rendit d’abord, suivant son habitude, dans son bureau.

Là, il se trouva en face d’une apparition inattendue. Devant lui se tenait Molly, enveloppée de sa robe de chambre ; sa figure, qui portait des traces de larmes récentes, avait une expression douloureusement sérieuse.

« Grand-père, dit-elle, je croyais que vous ne viendriez jamais ! Voilà des siècles que je vous attends !

— Mais, Molly, ma chérie, que fais-tu ici à cette heure ? C’est très mal de te relever