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tit. Le petit garçon la regardait d’un air d’envie ; il se demandait comment, sans manger, il poursuivrait la route jusqu’à Grav-Tors.

Tramp n’avait nullement l’intention de se laisser mourir de faim. Après avoir fait le tour du compartiment, il s’arrêta devant la voyageuse, et se tint debout sur ses pattes de derrière, dans l’attitude d’un mendiant.

Son jeune maître le gronda, fit des excuses pour sa conduite ; mais la grosse femme se trouva être une excellente créature ; elle devina en partie la fatigue de Jock, lui offrit des babas, déboucha une bouteille de thé froid et lui en versa un verre.

Pendant ce temps, le train arrivait en gare de Drisley ; l’enfant et le chien sautèrent sur le quai désert. Jock avait le cœur bien triste en demandant au chef de gare dans quelle direction se trouvait Gray-Tors. L’employé étonné abaissa les yeux sur le petit garçon.

« Prenez cette route, dit-il ; vous ne pouvez vous perdre, car votre chemin suit presque constamment la voie ferrée. Mais il me semblerait plus sage de passer la nuit ici ; vous partiriez au jour.

— Oh non ! Il faut que je parte le plus tôt possible, reprit Jock vivement ; je dois être à Gray-Tors demain soir. »

Et, sans attendre d’autre conseil, il sortit précipitamment de la gare pour se remettre en route. Tramp et son maître grelottaient sous la rafale qui soufflait des abruptes collines. Jock était désolé. Il craignait de ne pouvoir atteindre à temps son but. Il avançait avec une hâte fiévreuse, marchant péniblement. Sur ses talons, Tramp, l’air abattu, les oreilles pendantes, la queue baissée, semblait désapprouver cette étrange expédition. L’espace libre en échange du sombre hangar lui allait fort bien, mais une trotte sous un vent piquant lui souriait moins.

Cependant, à la fin, trop fatigué pour aller plus loin, Jock s’arrêta, cherchant du regard un lieu où il pût se reposer quelques heures. Aucune chaumière n’était en vue ; dans un champ voisin, il aperçut une sorte de hangar qui lui sembla un abri pour le bétail. Il se dirigea jusque-là et, poussant la porte, huma la bonne senteur du foin.

Il faisait trop noir pour qu’on pût rien distinguer à l’intérieur ; d’ailleurs, la fatigue accablait le pauvre garçon ; aussi, sans rien examiner, il s’enfonça dans le foin. Bientôt il s’endormit, serrant entre ses bras Tramp qui le réchauffait, tout en lui tenant fidèle et rassurante compagnie.


X

Une terrible aventure.


Molly était seule dans le cabinet de travail de son grand-père. Pelotonnée au fond d’un fauteuil près du feu, elle regardait la flamme pétiller, et aurait bien voulu quelque compagnon pour se distraire.

M. Harrison soupait en ville, et la vieille bonne de Molly était sortie. La petite fille avait été laissée à la garde de la femme de chambre. La nursery lui semblait triste et solitaire, aussi était-elle descendue s’installer près de la cuisine dans le cabinet du vieux notaire. De là elle pouvait s’intéresser au va-et-vient de la maison.

Bientôt la sonnette de la porte d’entrée retentit, et les pas de Suzanne résonnèrent dans le vestibule. Molly saisit les fragments d’une conversation animée et entendit particulièrement Suzanne attester, avec indignation, que son maître, absent, ne verrait pas le visiteur importun qui se présentait à pareille heure.

La petite fille sauta à bas de son fauteuil, ouvrit la porte, passa la tête avec précaution pour savoir quel était ce personnage si déterminé à parler à son grand-père. Au bruit de ses pas, un aboiement perçant partit de la porte d’entrée ; un instant après, au scandale