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Jock dut se contenter de cette promesse. Les jours suivants, il attendit impatiemment la réponse de l’homme d’affaires ; il se tut néanmoins, afin de ne pas provoquer des remarques pénibles sur le vieil oncle qui lui avait témoigné tant de bonté. La lettre de M. Harrison arriva sans apporter aucune explication satisfaisante. Après l’avoir parcourue, Mme Pole la laissa échapper avec un soupir de désappointement et se tourna vers Jock :

« C’est ce que je craignais, dit-elle ; par le testament de ton oncle, tu hérites de Beggarmoor, rien de plus. Tout le reste de ses propriétés revient à son neveu propre. M. Harrison a la charge de cet héritage jusqu’à la majorité. On dirait un bien de valeur à la manière dont M. Grimshaw en parle. Il a fallu qu’il soit devenu fou pour avoir écrit pareille chose. Peut-être son but a-t-il été de me froisser, parce qu’il a toujours su que je le détestais !

— Mais où est le papier ? M. Harrison ne l’a-t-il pas envoyé ? Quand vous l’aurez vu, vous comprendrez quelle idée fausse vous vous faites de Beggarmoor qui, certainement, cache quelque chose de précieux.

— Je crains de n’en être jamais convaincue, puisque nulle part on ne peut découvrir le précieux document que tu réclames, répliqua Mme Pole avec impatience. M. Harrison l’a cherché minutieusement partout. Ton oncle a laissé peu de papiers, tous très en ordre ; il eut été facile de trouver cette feuille, mais il n’y en a aucune trace.

— Elle aurait du être à côté de ma lettre, dit Jock en examinant anxieusement la dernière missive de son parent.

— Si elle y avait été, M. Harrison l’aurait aperçue ; évidemment il voit là, comme moi, une preuve de l’excentricité bien connue de M. Grimshaw qui, dans les derniers temps, n’avait plus toutes ses idées. Ta persuasion qu’un trésor était caché à Beggarmoor l’aura amusé, il en a profité pour se moquer de toi.

— Jamais, s’écria Jock indigné. D’ailleurs, l’ingénieur qui a examiné le terrain l’a fait avec le plus vif intérêt. Il n’y a là aucune plaisanterie.

— Eh bien ! écris-lui pour qu’il t’indique ce qu’il cherchait dans cette propriété », répliqua Mme Pole.

À cette proposition, Jock devint triste, car il se souvint qu’il n’avait jamais connu le nom de l’étranger qui était venu à Gray-Tors.

« Je ne sais ni son nom, ni son adresse, dit-il d’un ton désespéré. Si nous écrivions à M. Harrison, peut-être pourrait-il nous renseigner. Certainement il était averti des faits sérieux qui se passaient chez notre parent.

— C’est possible, mais, ce qui me semble bien plus important, c’est une proposition déjà faite pour l’achat de ce misérable morceau de terre. Le notaire nous recommande d’accepter. Sans doute, la somme offerte est minime, mais la lande ne vaut rien.

— Non, en dépit des apparences, elle n’est pas sans valeur, s’écria Jock d’un ton convaincu. Je ne sais ce qui en fait le prix ; M. Grimshaw et l’étranger le savaient, eux !… et peut-être encore une troisième personne. Et qui veut l’acheter ? ajouta-t-il impétueusement : un soupçon subit lui traversant l’esprit.

— Le fermier actuel, un nommé Bagshaw. »

Les soupçons de Jock se trouvaient confirmés. Il tomba presque d’émotion. En repassant dans son esprit les événements des derniers mois, il se persuada qu’il était acteur dans un drame aussi émouvant que la plupart de ceux qu’il avait lus. Malheureusement, seul, il pouvait comprendre la conduite du fermier dont la démarche semblait aux autres très naturelle. Il résolut de garder le silence, se sentant impuissant à persuader Mme Pole. Par tout ce qu’il connaissait de Bagshaw, l’enfant fut convaincu que ce misérable avait enlevé le papier qui se trouvait sur la table de M. Grimshaw au moment de la mort du vieillard. Et