Page:Hetzel - Verne - Magasin d’Éducation et de Récréation, 1903, tomes 17 et 18.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
61
DISPARUS

cette époque-là), et il constatait avec enthousiasme l’importance de sa découverte.

La grotte formait une grande chambre de plusieurs mètres. Elle était creusée dans la roche et donnait sur d’autres petits cabinets naturels, par des fissures plus ou moins étroites.

Quelle admirable retraite de mystère, quelle délicieuse cachette, abri les jours de pluie, maison de Robinson, entrepôt d’ustensiles de pêche, etc. !

Toutefois, comme l’heure du dîner approchait, Yvonnet s’en était retourné au château et n’avait eu garde de parler de son nouveau domaine à qui que ce fût. Mais, le lendemain, il était revenu dans sa grotte et y avait transporté les premiers objets qu’il jugeait les plus indispensables : d’abord une couche de varech épaisse : un lit ; des provisions de bouche, une bouteille de coco, des gâteaux et des pommes. On ne savait pas ce qui pouvait arriver. S’il avait à faire la guerre aux Anglais, par exemple, cela pouvait servir de redoute, de casemate, de fort… si toutefois il se décidait à révéler son secret aux jeunes gamins de Penhoël, ses vassaux, dont il était le chef incontesté, mais qu’il ne daignait point mettre au courant des intentions et des plans de leur général. Il n’avait pas envie de le leur dire quant à présent. Plus tard, quand il en aurait assez du robinsonage, peut-être.

Dans de tout autres dispositions d’esprit que pour jouer au Robinson, Yvonnet se mit en route, comme nous venons de voir, avec l’intention de pleurer tout son saoul dans sa grotte. Ce n’était certes pas pour cela qu’il l’avait si bien installée ; mais sait-on jamais, dans la vie, ce qui vous attend ? Il était si joyeux le matin, en bourrant ses poches de provisions ! Mais elles y étaient encore, dans ses poches, les provisions qu’il avait emmagasinées. Et, comme elles le gênaient considérablement, il les en sortit, les jeta sur le sable fin de la grotte avec une colère enfantine. Puis il donna libre cours à ses larmes longtemps contenues. Et ce fut un véritable accès de désespoir, qui dura des heures et le laissa exténué, tellement brisé de fatigue qu’il s’endormit sur la couche de varech qu’il avait préparée…

Combien de temps Yves dormit-il ? Nous ne