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BOURSES DE VOYAGE

avait « de la fuite », comme disent les marins, et ne risquait pas de s’affaler sur une côte d’où il n’aurait pu se relever. Il est vrai, c’était tout l’Atlantique qui s’ouvrait devant lui et, en peu de temps, un millier de milles le sépareraient des Indes occidentales.

La barre dessous, le navire pivota, horriblement secoué, et, après avoir été assailli de lames déferlantes, risquant d’embarder sur un bord ou sur l’autre, il courut vent arrière.

Cette allure est des plus dangereuses, lorsque le bâtiment ne parvient pas à devancer les lames, lorsque sa poupe est menacée de coups de mer. La barre est extrêmement difficile et il faut se faire attacher pour ne point partir pardessus bord.

Will Mitz obligea, malgré eux, les jeunes garçons à se réfugier à l’intérieur de la dunette. S’il avait besoin de leur aide, il les appellerait.

Et là, dans ce carré, dont les cloisons craquaient, accrochés aux bancs, parfois inondés de l’eau du pont qui pénétrait au dedans, réduits à se nourrir de biscuit et de conserves, cette journée du 25 septembre fut la plus épouvantable qu’ils eussent passée jusqu’alors !

Et quelle nuit, terrible, obscure, tumultueuse ! L’ouragan se déchaînait avec une incomparable violence. Lui résister vingt-quatre heures, l’Alert pourrait-il ?… Ne finirait-il pas par engager, et si, pour le relever, il fallait couper sa mâture, y réussirait-on ?… Le navire ne serait-il pas entraîné dans l’abîme ?…

Will Mitz était seul à la barre. Son énergie domptant sa fatigue, il soutenait l’Alert contre les embardées qui menaçaient de le mettre en travers des lames.

Vers minuit, un coup de mer, montant de cinq à six pieds au-dessus du couronnement, retomba sur la dunette avec une telle violence qu’il faillit la défoncer. Puis, précipité sur le pont, après avoir enlevé le petit canot suspendu à l’arrière, il brisa tout sur son passage, les cages à poules, les deux barils d’eau douce amarrés au pied du grand mât ; puis, arrachant la seconde embarcation de ses pistolets, il l’entraîna par-dessus bord.

Il ne restait plus qu’un seul canot, celui dans lequel les passagers avaient tenté de