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Seriez-vous curieux de savoir combien il y a d’espèces de vanille ? Eh bien, il en est de trois sortes : la vanille pompona, à grosses gousses et à odeur un peu piquante et très prononcée. La vanille légitime, la plus estimée des trois. Son odeur est exquise ; ses gousses sont petites, mais l’huile balsamique où nagent ses granulations est d’une senteur si pénétrante qu’elle enivre ceux qui la respirent trop longtemps. Enfin la vanille bâtarde, très inférieure aux deux autres.

Ed. Grimard.

(La suite prochainement.)

LE GÉANT DE L’AZUR
Par ANDRÉ LAURIE

XVI

Le cyclone et le baobab.


Un long silence, un profond sommeil chez Djaldi, un assoupissement invincible chez Gérard, succédèrent au tumulte des dernières minutes ; seul éveillé à bord de l’Epiornis, Henri demeurait ferme à son poste, respirant à l’aise après cette effroyable alerte, heureux de voir son frère prendre inconsciemment le repos qui lui était si nécessaire, et tout à fait oublieux de la fatigue pour son compte personnel.

Il y avait plusieurs heures que durait cette course silencieuse ; des milliers de kilomètres avaient fui derrière les voyageurs ; la température s’était absolument modifiée. Au froid rigoureux du 55e degré de latitude, avait succédé la douce brise des régions tempérées ; et, à peine le jeune mécanicien avait-il eu le temps d’aspirer à pleins poumons le bienfait de cette atmosphère nouvelle, que déjà un souffle brûlant, venant par intermittences frapper droit au bec de l’aviateur, annonçait le voisinage de la zone torride.

« Est-ce que je rêve ? fit Gérard, sortant subitement de son sommeil réparateur, et renvoyant d’un coup de pied la couverture de laine dont son frère l’avait soigneusement entouré. On dirait, ma parole, qu’il fait chaud ! qu’il fait même très chaud !… Et il y a à peine un quart d’heure, n’est-ce pas ? que nous perchions sur cet iceberg ?… Mais non !… Ce soleil… Ah ça, combien d’heures m’as-tu laissé dormir, brigand ?

— Dix heures ! dit Henri, tirant sa montre. Il est juste cinq heures du matin ; et j’estime que nous sommes sur le le 43e parallèle.

— Plus de douze degrés franchis en dix-huit heures ! Mais c’est le double, plus du double de la vitesse que possédait ton moteur au premier voyage. Ceci tient du prodige ! Qu’y as-tu donc fait ?

— Nous avons apporté quelques heureuses modifications à l’ensemble de l’appareil, dit Henri ; mais c’est surtout à ton oiseau qu’il faut attribuer le mérite de cette amélioration : comme le disait très justement notre bon M. Wéber, aucune machine façonnée par la main de l’homme ne peut rivaliser avec l’aviateur créé par la mère nature. Jamais l’autre, l’Epiornis no 2, n’aurait soutenu l’épreuve formidable d’hier au soir…

— Fort bien ! riposte Gérard, mais tout ceci démontre au moins une chose : c’est que tu peux, dès cette minute, m’établir ton lieutenant, et prendre le repos qui t’est dû. Allons ! tu tombes de sommeil. Il faudra bien que tu y succombes, de gré ou de force…

— Je te cède la place, répond l’aîné, secouant la torpeur où le plongeait peu à peu la fatigue d’un effort démesuré. Après tout, c’est folie à moi de me croire seul capable de diriger